La science de la pauvreté : épisode • 1/3 du podcast L’économie au chevet des plus pauvres

Des personnes dormant dans les rues de Genève, une des villes les plus chères d'Europe ©AFP - FABRICE COFFRINI
Des personnes dormant dans les rues de Genève, une des villes les plus chères d'Europe ©AFP - FABRICE COFFRINI
Des personnes dormant dans les rues de Genève, une des villes les plus chères d'Europe ©AFP - FABRICE COFFRINI
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La crise fera basculer jusqu'à 150 millions de personnes sous le seuil de l'extrême pauvreté selon un rapport de la Banque mondiale. C'est un enjeu important auquel seront confrontées les sciences économiques, souvent accusées de s'intéresser plus à la croissance qu'à lutte contre la pauvreté.

Avec
  • Elise Huillery Économiste et professeure en économie du développement à l’université Paris-Dauphine
  • Patrick Mardellat Professeur des universités à Sciences Po Lille et chercheur au laboratoire CLERSE (clersé)

Avec la pandémie de la Covid-19, la planète connaît sa plus grave crise économique depuis l’entre-deux-guerres. Explosion du chômage, insécurité alimentaire ou encore décrochage scolaire, si les effets du « grand confinement » se font ressentir partout, ils sont démultipliés dans les pays pauvres, où le secteur informel, par définition dénué de protection sociale, tient une place prépondérante, comme l’analyse le professeur Gilbert Achcar dans un article paru en novembre dans le Monde Diplomatique et intitulé Dans le Tiers-Monde, un “grand confinement” dévastateur.

Pour la première fois depuis près d’un quart de siècle, l’extrême pauvreté va augmenter dans le monde. Selon un rapport de la Banque mondiale publié mercredi 7 octobre, la crise va faire basculer, d’ici à la fin de 2021, jusqu’à 150 millions de personnes sous le seuil d’extrême pauvreté, fixé à 1,90 dollar (1,61 euro) par jour. Celle-ci devrait toucher entre 9,1 % et 9,4 % de la population mondiale en 2020. C'est un bond en arrière d’au moins trois ans et un point de rupture. En effet, au cours des trois dernières décennies, près de 1,1 milliard de personnes en sont sorties, dont 800 millions rien qu’en Chine. Entre 1990 et 2015, la pauvreté a baissé en moyenne de 1 % par an dans le monde.

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Les économistes se sont toujours intéressés à la pauvreté. Par contre, ils ne se sont pas intéressés aux pauvres. - Elise Huillery

Ces dernières années, plusieurs prix ont récompensé des théories économiques permettant une lutte estimée efficace dans la réduction de la pauvreté. C’est le cas de Esther Duflo, Abhijit Banerjee et Michael Kremer, qui ont reçu en 2019 le prix de la banque de Suède pour leur approche expérimentale de la lutte contre la pauvreté, élaborée depuis la fin des années 1990. Cette nouvelle école de chercheurs se distingue par l’abandon de la théorie de la science économique générale et de toute approche globale. À la connaissance purement académique s'est substituée une étude pragmatique proche du terrain. C'est une évolution bienvenue dans le domaine des sciences économiques, qui sont souvent accusées de s'intéresser plus à la croissance générale qu'à l'étude de la pauvreté.

Au fondement de l’économie se trouve non seulement la production, mais également la distribution des richesses. - Patrick Mardellat

Deux siècles et demi après la Richesse des nations d’Adam Smith, force est de constater que la pauvreté demeure un défi pour nos société. Les économistes se sont-ils trompés ? Ont-ils les outils théoriques pour penser la pauvreté et lutter contre elle de manière efficace ? Pour en parler, nous avons fait appel à deux économistes : Elise Huillery, professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine, chercheure affiliée au laboratoire J‐PAL (Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab) et membre du Comité scientifique d’évaluation de plan stratégique national de lutte contre la pauvreté ainsi que Patrick Mardellat, directeur du département de Relations Internationales et professeur de sciences économiques à Sciences Po Lille. 

18 min

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