A 78 ans, Jacqueline Diard se décrit volontiers comme têtue ou « tête de Morvandiau », comme on dit chez elle, à Autun, en Saône-et-Loire. Une qualité qui lui a permis, après trois mois d’obstination, d’obtenir une première injection du vaccin de Pfizer, mardi 6 avril. Prioritaire et convaincue que seule la vaccination permettra de se débarrasser du Covid-19, elle a pourtant commencé à appeler méthodiquement le numéro de prise de rendez-vous de la Saône-et-Loire dès la mi-janvier.
« Mon médecin m’a dit que ça allait être difficile, alors j’ai voulu faire mes propres statistiques : j’ai appelé ce numéro six fois le matin et six fois le soir, tous les jours du mois de février. Sans jamais parvenir à joindre qui que ce soit », raconte Jacqueline, bravache. Elle demande des comptes à la mairie et à la préfecture ; personne ne sait ce qui cloche. L’horizon s’éclaircit soudainement un jour de fin février, quand le standard la redirige vers un autre numéro. Pour la première fois, une voix humaine lui réserve un créneau pour chaque dose de vaccin. Enfin. « J’avais convaincu plein de gens autour de moi de l’utilité de la vaccination, mais ils étaient tous passés avant moi », plaisante la retraitée.
Comme Jacqueline, presque 4 millions de personnes âgées de 75 ans et plus ont reçu au moins une injection de vaccin contre le Covid-19 en trois mois, soit 60 % de cette classe d’âge, alors que l’âge est reconnu comme l’un des principaux risques d’aggravation de la maladie. Ces récits de galère, les jours passés au téléphone à buter contre un répondeur, se font désormais moins nombreux, mais l’incompréhension et la désillusion dominent une classe d’âge qui ne comprend pas que cette protection soit si difficile à obtenir.
Un dispositif pour « aller vers » ce public
A La Rochelle, Jeanne Bagnis, bientôt 78 ans, préfère s’en amuser, et raille spirituellement le ton autoritaire du gouvernement qui l’exhorte par courrier à participer à l’effort vaccinal, quand elle bute depuis janvier sur l’indisponibilité du seul centre de vaccination de la ville. Sur le site Doctolib, c’est le sempiternel message qui s’affiche : « Aucun rendez-vous n’est disponible pour le moment mais de nombreux créneaux vont être mis en ligne dans les jours à venir », et le numéro sonne occupé.
Pourtant, depuis samedi, le centre de l’Espace Encan est ouvert sept jours sur sept et a reçu un renfort de 25 pompiers issus de tout le département. « Je ne cours pas beaucoup de risques, mais j’aimerais bien aller voir mon fils à Berlin », soupire l’ancienne professeure de français. Alors peut-être que quand elle ira voir sa médecin dans dix jours, elle se laissera convaincre de prendre le vaccin d’AstraZeneca, même si elle aurait préféré celui de Pfizer – « mais je n’ai pas beaucoup d’arguments », reconnaît-elle.
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