Covid-19 : quelles règles pour l'urbanisme et la construction de demain ?
Au-delà de la suspension des chantiers, la crise due à la pandémie du Covid-19 nous invite à adopter un regard prospectif sur les nouveaux enjeux qui vont structurer l’urbanisme et la construction dans les années à venir.
Louis des Cars, avocat associé, et Cécile Panien-Ferouelle, avocate counsel, cabinet Altana
\ 16h16
Louis des Cars, avocat associé, et Cécile Panien-Ferouelle, avocate counsel, cabinet Altana
La crise sanitaire et les mesures de confinement ont bouleversé en quelques jours nos conditions de vie et de travail à plus ou moins long terme selon les domaines. En matière d’urbanisme, trois axes de réflexion nous semblent devoir être privilégiés.
Accélérer la dématérialisation
En premier lieu, une question immédiate s’est posée lors du confinement : la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme. Si cette réforme a été amorcée par l’article 62 de la loi Elan qui fixe une échéance au 1er janvier 2022 pour les communes dont le nombre d’habitants est supérieur à 3 500, la crise sanitaire a mis en exergue le retard pris en la matière par l’administration.
L’absence de dématérialisation pour la plupart des collectivités a eu deux conséquences : le blocage de l’instruction des dossiers pendant le confinement et l’engorgement des services instructeurs à l’issue de celui-ci. En effet, cette absence s’est traduite dans un premier temps par une impossibilité, pour les services, d’avancer dans l’instruction des demandes, ce qui a conduit le gouvernement à suspendre les délais d’instruction (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période).
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Cet aménagement des délais était naturellement nécessaire pour encadrer l’indisponibilité des services instructeurs. Certaines collectivités ont toutefois pu continuer à instruire à distance les dossiers déposés, à l’instar de la Ville de Paris.
C’est donc bien le retard pris sur la dématérialisation, et non l’aménagement des délais d’instruction, qui a constitué l’un des facteurs de ralentissement du secteur de la construction pendant cette période. Si l’allongement des délais de recours était indispensable, il aurait été plus satisfaisant que les collectivités bénéficient d’ores et déjà des moyens dématérialisés pour être en mesure de délivrer des autorisations et de faire avancer certains projets, quand bien même le point de départ des délais de recours était reporté.
De surcroît, l’absence de dématérialisation dans de nombreuses collectivités a créé un engorgement des services d’urbanisme. Ces derniers se retrouvent désormais dans des situations complexes où il leur faut instruire tant les dossiers dont l’instruction a été « suspendue » que ceux, certes moins nombreux, qui ont été déposés au cours du confinement. L’engorgement des services instructeurs aura sans doute pour conséquence de voir apparaître des décisions tacites (de refus ou d’acceptation) qui auraient pu être évitées. Une accélération de la dématérialisation apparait désormais indispensable pour éviter un nouveau ralentissement du secteur de la construction.
Recentraliser l'urbanisme ou renforcer le pouvoir local ?
La crise sanitaire conduit aussi à s’interroger sur la décentralisation. L’urbanisme, pris au sens large, demeure le seul domaine où la France a doté les collectivités territoriales d’un véritable pouvoir de réglementation locale à vocation générale et donc variable en fonction des secteurs. Cependant, ce pouvoir doit respecter, sauf cas très particuliers, les règles qui relèvent d’une police nationale.
Or, la crise sanitaire a conduit à quelques initiatives locales, guidées par la volonté de limiter la propagation du virus, mais démontrant parfois une volonté locale de suspendre les chantiers. Ainsi, une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 mai 2020 a suspendu, en raison de l’absence de circonstances locales particulières, un arrêté municipal qui avait interdit sur le territoire de sa commune les chantiers de construction, à l’exception des travaux indispensables à la vie de la population ou d’intérêt public, jusqu’à la fin de la période de confinement.
De la suspension des chantiers à la prise des décisions en matière d’urbanisme bloquant les opérations, il n’y a qu’un pas et la jurisprudence fourmille de précédents… La crise pourrait conduire à s’interroger sur le pouvoir donné aux élus locaux en la matière, interrogations qui pourraient aller jusqu’à une certaine recentralisation de l’urbanisme, ou à l’inverse, un renforcement du pouvoir local.
Vers la mise en place de normes sanitaires encadrant la construction ?
Enfin, la crise sanitaire pose une question bien plus profonde et structurante : celle des conditions de vie en collectivité. Cette pandémie pourrait en effet avoir un impact même sur les règles de constructibilité comme celles encadrant la sécurité et l’accessibilité des bâtiments.
Les conditions du déconfinement conduisent alors à s’interroger sur la mise en place de nouvelles normes « sanitaires » régissant la construction des ouvrages fonctionnels (établissement de santé, gare, école…) mais également de tous les bâtiments accueillant une activité tertiaire (bureaux, commerces, restaurants…). De telles nouvelles normes « Covid-19 » pourraient ainsi ajouter aux demandes d’autorisations d’urbanisme un volet sanitaire évolutif, permettant par exemple le respect de la distanciation sociale dans les salles de classe, par hypothèse évolutif.
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