Réforme des retraites : Matignon calme les ardeurs de Bruno Le Maire

Le ministre de l’Economie a provoqué l’effroi de la CFDT et des remous au sein du gouvernement en considérant qu’une réforme budgétaire des retraites était « la priorité absolue ». Jean Castex joue l’apaisement.

 Les propos de Bruno Le Maire sur la réforme des retraites ont suscité des réactions immédiates de membres du gouvernement et poussé Matignon à le modérer.
Les propos de Bruno Le Maire sur la réforme des retraites ont suscité des réactions immédiates de membres du gouvernement et poussé Matignon à le modérer. LP/Philippe Lavieille

    Quelle mouche a piqué Bruno le Maire? En estimant dans Le Parisien-Aujourd'hui en France que les retraites étaient « la priorité absolue » des « réformes structurelles » à conduire face à la dette, le patron de Bercy a crispé les syndicats. Le numéro 1 de la CFDT craint carrément une « explosion sociale » si le gouvernement avance sur cette piste. « C'est complètement inapproprié, on ne va pas rajouter des tensions », a insisté Laurent Berger sur Europe 1, mardi matin.

    Une poussée de colère qui a obligé Matignon à modérer les propos du ministre de l'Economie : « C'est un engagement du président. En revanche, on a une crise qu'on doit d'abord traiter sur les plans sanitaires et économiques, rappelle-t-on dans l'entourage du Premier ministre. Et ensuite on reprend le fil des réformes, dont celle des retraites qui devra être discutée en concertation avec les partenaires sociaux. »

    Dès dimanche, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, avait jugé que la « priorité absolue », en pleine épidémie de Covid-19, c'est de « sortir de la crise sanitaire économique, sociale, de protéger les emplois ». Même son de cloche de la part du ministre chargé des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau : « Que les gens puissent sortir de la précarité dans laquelle ils sont en train de s'enfoncer, c'est ça la priorité, et pas autre chose », a-t-il sèchement déclaré. Ambiance…

    Un signal envoyé aux marchés et à Bruxelles

    En lâchant sa bombe sur les retraites, le ministre de l'Economie, ancien candidat à la primaire de la droite de 2016, savait toutefois où il mettait les pieds. « Bruno Le Maire a parlé avec l'accord du sommet de l'exécutif, avance un ministre. Le déficit du système des retraites s'alourdit. Un système universel serait encore plus utile en période de crise. Et il faut continuer à porter politiquement cette idée vis-à-vis de Bruxelles. »

    Un parlementaire de poids décrypte : « Cette sortie de Bruno le Maire est un signal envoyé à la fois aux marchés et à la Commission européenne. Pour leur dire : la France continuera à faire des réformes. Si on arrêtait de tenir ces propos, les taux d'intérêt flamberaient immédiatement. On ne pourrait pas convaincre nos voisins que notre gestion est sérieuse. Surtout au moment où on cherche à mutualiser nos dettes en Europe. » Et d'ajouter : « Dans les faits, cette réforme se mettra en place dans un second mandat, si le président est réélu… »

    Il faut dire que le calendrier législatif ne laisse plus guère de temps pour lancer un grand chantier. Plan de relance, texte sur le séparatisme … les prochains mois seront bien occupés. D'autant qu'ensuite s'ouvrira la campagne de la présidentielle de 2022. Sans compter que l'horizon sanitaire est encore incertain. Dans l'entourage de Bruno le Maire, on dédramatise le sujet : « Il ne s'agit pas de mettre la réforme des retraites sur la table d'ici décembre. On est concentré à fond sur la gestion de crise. Mais on pense aussi à la suite. »