Coronavirus : Le DRH d’Intermarché lance un appel au ''prêt'' de salariés pour les secteurs prioritaires

Sylvia Di Pasquale

[INITIATIVE] D’un côté la grande distribution travaille au-delà de ses capacités. De l’autre, 3,6 millions de salariés ont été placés en chômage partiel depuis l’annonce du confinement. Éric Richard, chef d’entreprise Intermarché en charge des ressources humaines de l’enseigne, lance un appel pour que ces derniers aident les premiers. Une « mise à disposition » de salariés volontaires qui repose sur un dispositif parfaitement légal et auquel le gouvernement donne un coup de pouce officiel depuis hier. Il manque environ 1200 personnes chez Intermarché. Déjà quelques entreprises ont répondu à l’appel. Explications.
Coronavirus : Le DRH d’Intermarché lance un appel au ''prêt'' de salariés pour les secteurs prioritaires

Depuis le début de la crise du Covid-19, les 90 000 collaborateurs de l’enseigne sont sur le pont, non-stop. Les entrepôts logistiques – puisque Intermarché dispose de sa propre logistique – approvisionnent en flux tendu, à travers tout l’Hexagone, les 1 832 points de vente Intermarché et les 295 Netto. A la fois producteurs et commerçants, les chefs d’entreprise Intermarché fabriquent aussi sous leur marque, dans leurs propres usines réparties sur 60 sites à travers la France, nombre de denrées alimentaires et de grande consommation.

Volumes supplémentaires et absentéisme

Des produits qu’il faut conditionner, puis transporter jusque dans les entrepôts et les points de vente. « Comme tous les acteurs de la chaîne de fabrication/distribution alimentaire, nous devons redimensionner notre outil industriel pour nourrir les clients qui ne prennent plus leurs repas dans les cantines scolaires ou d’entreprise, ou au restaurant », explique Éric Richard, chef d’entreprise Intermarché en Charente-Maritime, en charge des ressources humaines de l’enseigne. Pour faire face aux volumes supplémentaires et à l’absentéisme, l’enseigne manque de personnels immédiatement opérationnels.

Seul le rapprochement entre les entreprises qui ont dû fermer et celles qui tournent à plein régime, car elle sont jugées "essentielles", permettra de répondre à la nécessité urgente de personnels qualifiés.

Eric Richard

Recherche personnels déjà qualifiés

Pourquoi les constructeurs automobiles, par exemple, ou les autres industries qui ont fermé leurs unités de production en France et mis leur personnel au chômage technique, ne proposeraient-elles pas des salariés déjà opérationnels aux secteurs jugés vitaux, comme ceux de la chaîne de fabrication et de distribution alimentaire ? « Les qualifications de leurs agents de production sont parfaitement compatibles avec les profils que nous recherchons ». Des profils de conducteurs de lignes, agents de maintenance, approvisionneurs, agents logistique, réceptionnaires, caristes, chauffeurs de poids lourds…

Un dispositif méconnu à réactiver

Comment procéder ? Éric Richard appelle au recours à un dispositif tout ce qu’il y a de plus légal : « C’est une mise à disposition de main d’œuvre prévue par la loi (art. L.8241-1 du Code du travail). Les collaborateurs volontaires mis à disposition restent salariés de leur employeur habituel. Et c’est nous qui reversons 100% du salaire à l’employeur "prêteur" ». 

Dès lors que ce dernier se contente de facturer le coût des salaires et charges des salariés mis à disposition, la mise à disposition de main d’œuvre à titre onéreux, sans but lucratif, limitée dans le temps et sans préjudice pour le salarié ni soustraction au droit du travail, est autorisée.

Pour activer le dispositif, il est nécessaire, pour l’employeur "prêteur", de conclure une convention de mise à disposition – et de rédiger un avenant au contrat de travail du collaborateur.

Concrètement, l’idée est de proposer aux collaborateurs contraints au chômage technique d’être mis à la disposition d’une activité vitale pour la nation.

Ce "prêt" repose sur le volontariat des salariés concernés. « Bien entendu, nous assurons la sécurité sanitaire des personnes qui viendraient nous prêter main forte sur nos plateformes logistiques ou dans nos unités de production agroalimentaires. De part et d’autre, nos besoins sont évalués à 600 personnes pour la logistique, et à 600 autres personnes pour Agromousquetaires, notre filiale de production. »

Une alternative au chômage partiel

Côté rémunération, les "transfuges" de leur entreprise y trouvent également un intérêt financier : au-delà d’un geste de solidarité, ils continuent à percevoir 100 % de leur salaire, au lieu des 84 % de leur rémunération nette perçue dans le cadre du chômage technique. Éric Richard le souligne : « Cette bonne idée a déjà été mise en place ailleurs. McDo l’a fait en Allemagne, en proposant à ses salariés volontaires de se mettre à disposition du distributeur Aldi ».

Alléger la facture de l'Etat

Cela permettrait aussi d'alléger la facture de l'Etat, à l'heure où le recours au chômage partiel explose en France, atteignant près de 4 millions de personnes selon les dernières données du ministère du Travail.

Éric Richard est en discussion avec les directions des ressources humaines d’autres entreprises afin de leur proposer ce dispositif. L’appel a déjà porté ses fruits dans le Nord puisque plusieurs entreprises activent en ce moment-même ce dispositif. De son côté le gouvernement vient de mettre à disposition des modèles simplifiés de convention de mise à disposition de personnel entre entreprises et d’avenant au contrat de travail du salarié.

 

Lire aussi >> le prêt de salariés pratiqué chez Soitec en 2014  

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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