En Iran, l'heure est déjà au reconfinement

Très touché par la première vague de l'épidémie, le pays doit restreindre de nouveau l'activité dans le Sud-Ouest. En cause : le non-respect de la distanciation physique.

Par (avec AFP)

Une file d'Iraniens fait la queue derrière un marchand de change à Téhéran le 9 mai 2020, sans respecter les règles de distanciation sociale vivement conseillées par le gouvernement (photo d'illustration).
Une file d'Iraniens fait la queue derrière un marchand de change à Téhéran le 9 mai 2020, sans respecter les règles de distanciation sociale vivement conseillées par le gouvernement (photo d'illustration). © ATTA KENARE / AFP

Temps de lecture : 5 min

Un mois à peine après avoir entamé le déconfinement progressif du pays, l'Iran a décidé, dimanche, de restreindre de nouveau l'activité économique et les déplacements dans la province du Khouzestan (Sud-Ouest), devenue un nouveau foyer de l'épidémie de Covid-19. « Le nombre de patients atteints du coronavirus dans la province a triplé et les hospitalisations ont augmenté de 60 % », a indiqué Tasnim Gholamreza Shariati, le gouverneur de cette province riche en pétrole, située aux confins du Golfe persique et de l'Irak.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Lire aussi Coronavirus : l'Iran contraint au déconfinement

Par conséquent, l'édile a annoncé la fermeture des services administratifs, banques et commerces non essentiels dans neuf comtés de la province, y compris pour la ville d'Abadan (plus de 200 000 habitants), et cela, jusqu'à nouvel ordre. Des restrictions de déplacement sont également de nouveau imposées autour des régions touchées, mais pas à l'intérieur de celles-ci, contrairement à des pays comme la France ou la Chine. La mesure vise à « empêcher la propagation du coronavirus de devenir incontrôlable », a indiqué Tasnim Gholamreza Shariati à l'agence de presse officielle Irna.

« Cela peut arriver pour toute autre province »

Réagissant à cette annonce surprise, Ali Rabiei, le porte-parole du gouvernement iranien, a mis en cause le non-respect par la population du Khouzestan des mesures de distanciation sociale. À l'entendre, « moins de 50 % » des habitants suivaient les mesures sanitaires préconisées par l'exécutif. « Les nouveaux cas se sont multipliés dans le Khouzestan au cours des dernières semaines », confie une source iranienne bien informée. « Avec le début des grandes chaleurs de l'été et l'humidité qui existe dans le sud de l'Iran, les gens ont du mal à respecter les protocoles sanitaires, sans parler de l'indiscipline générale des habitants. »

Lire aussi Coronavirus en Iran : pourquoi la crise est plus grave qu'annoncé

D'après le ministère iranien de la Santé, les nouvelles restrictions pourraient être étendues à d'autres régions si nécessaire. « Cela peut arriver pour toute autre province si nous ne faisons pas attention », a indiqué, lundi, Alireza Raïsi, le vice-ministre de la Santé, lors d'une conférence de presse. Outre le Khouzestan, la région de Téhéran, mais aussi celle de Qom (d'où est partie l'épidémie fin janvier, NDLR) concentrent, elles aussi, les nouvelles contaminations au Covid-19. Mais les autorités iraniennes ne délivrent plus depuis un mois le bilan quotidien des victimes par province.

Chiffres sous-estimés

Le porte-parole du ministère de la Santé, Kianouch Jahanpour, se contente désormais de donner les chiffres sur le plan national. Lundi, il a ainsi annoncé l'apparition sur l'ensemble du territoire de 1 683 nouveaux cas et 45 décès, portant respectivement le total à 109 286 contaminations et 6 685 morts, ce qui en fait le pays le plus touché par le Covid-19 au Moyen-Orient. « Globalement, la situation s'est améliorée dans l'ensemble du pays », confie sous le couvert de l'anonymat un médecin officiant dans le nord de l'Iran, l'une des régions les plus durement frappées à l'apparition du virus. Si les chiffres officiels sont de moindre ampleur que ceux enregistrés le 31 mars, lors du pic de l'épidémie en Iran (3 186 nouveaux cas), le pays connaît une nouvelle hausse des infections depuis le 4 mai dernier, dépassant régulièrement la barre des 1 000 cas.

Lire aussi Coronavirus : l'Iran coincé entre mensonges et sanctions

D'autant que le bilan gouvernemental est sujet à caution. Un rapport d'un centre de recherches du Parlement iranien, publié à la mi-avril, affirme que le bilan réel du nombre de décès serait supérieur de 80 % aux chiffres donnés par le gouvernement, et celui des infections de « 8 à 10 fois » plus important, les autorités ne se basant que sur les cas graves hospitalisés.

Sanctions américaines

L'apparition de nouveaux foyers tombe au plus mal pour le gouvernement iranien, qui s'apprête à rouvrir à partir de mercredi toutes les mosquées du pays pour trois nuits, suivies de l'ensemble des écoles samedi (elles ne seront pas pour autant obligatoires, NDLR). Accusé d'avoir caché l'ampleur de l'épidémie à la population, puis d'avoir tardé à mettre en place des mesures sanitaires pour l'enrayer, l'exécutif a finalement appelé début mars la population à rester chez elle, en même temps qu'il fermait les principaux lieux de regroupement – mosquées, écoles, universités, stades et cinémas – ainsi que les commerces non essentiels, et interdisait les déplacements entre provinces. Ces mesures non contraignantes de confinement, injustement appelées « quarantaine », ont été observées par une partie de la population, tandis que l'autre n'avait d'autre choix que de continuer à sortir pour travailler, un grand nombre d'Iraniens œuvrant dans le secteur informel de l'économie.

Lire aussi EXCLUSIF. Coronavirus : MSF en terrain hostile en Iran

Mais le président Hassan Rohani s'est toujours refusé à mettre réellement le pays en quarantaine, pour ne pas sonner le glas d'une économie déjà grevée par le poids des sanctions américaines. Ainsi, le 11 avril dernier, il n'a eu d'autre choix que de relancer progressivement l'activité du pays. Un mois plus tard, les habitants de Téhéran ont réinvesti les rues, marchés et centres commerciaux de la capitale. Mais l'économie tourne encore au ralenti. « La situation est toujours difficile pour les entreprises et rappelle en ce sens la période de quarantaine », confie Iraj, un entrepreneur téhéranais qui a repris le travail. « La plupart des banques ne donnent ni ne reçoivent d'argent en cash. »

Refus de porter le masque

Dans les images diffusées ces jours-ci par la télévision d'État, beaucoup d'Iraniens s'affranchissent du port du masque, pourtant vivement conseillé par le gouvernement. « Le port du masque dans la capitale est mitigé », ajoute Iraj. « Si beaucoup, comme moi, le revêtent, un grand nombre de gens refusent également de le porter alors que des masques gratuits sont distribués. Voilà malheureusement ce qui arrive quand aucune obligation ne pèse au-dessus de leur tête. »

Lire aussi L'Europe au chevet de l'Iran, malgré les sanctions américaines

Jugeant la situation à Téhéran et dans le Khouzestan « critique », le porte-parole du ministère de la Santé, Kianouch Jahanpour, a de nouveau rappelé la population à l'ordre, soulignant que « la situation ne [devait] en aucun cas être considérée comme normale ». Mais au sein même du pouvoir, certaines voix dissonantes se font entendre. « Avec la réouverture des commerces, les gens ont oublié les protocoles [sanitaires] », a regretté dans une interview à l'agence Isna Ali Maher, membre du « Comité national du combat contre le coronavirus ». Et d'ajouter : « C'était probablement trop tôt. »

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaire (1)

  • Alain (Paris)

    J'avais indiqué dans un autre commentaire que chez nous aussi, en France, le respect de la distanciation dépendait beaucoup du "background" culturel. C'est ce que j'avais pu constater à Paris.

    -- tzak tzak, c'est là que les Grands Ciseaux étaient intervenus --

    Il apparaît pourtant dans cet article que l'Iran a les mêmes difficultés à faire appliquer la distanciation physique à des citoyens qui sont habitués à une grande proximité.