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Coronavirus : le ministère du Travail recadre les accords de performance collective 

Le ministère du Travail a publié un « questions-réponses » sur ce nouveau type d'accord qui permet d'imposer aux salariés une baisse de salaire ou une hausse du temps de travail. Il souligne l'illégalité de clauses qui sortiraient des domaines énumérés par la loi ou l'utilisation en cas de déménagement au lieu d'un plan social. En revanche, il est possible de le cumuler avec du chômage partiel de longue durée.

Derichebourg aeronotics est une des premières entreprises à avoir signé un accord de performance collective à la suite de la crise provoquée par le coronavirus.
Derichebourg aeronotics est une des premières entreprises à avoir signé un accord de performance collective à la suite de la crise provoquée par le coronavirus. (Adrien Nowak/Hans Lucas via AFP)

Par Leïla de Comarmond

Publié le 12 août 2020 à 06:00Mis à jour le 12 août 2020 à 12:20

Plus d'un sur dix. C'est la proportion de salariés de Derichebourg aeronotics qui ont refusé une baisse de leur rémunération et que l'entreprise devrait licencier. L'accord de performance collective (APC), signé chez ce sous-traitant victime de la crise du coronavirus avec FO, impose aux 1.500 salariés une diminution d'un certain nombre d'avantages financiers. Ceux qui ne l'acceptent pas perdent leur emploi. 

Ce type d'accord, créé par la réforme du Code du travail au début du quinquennat, permet de modifier de tels éléments substantiels du contrat de travail à condition d'être signé par des syndicats représentant une majorité de salariés ou d'être validé par une majorité du personnel en l'absence de syndicats. N'ayant pas forcément à être justifié par des difficultés économiques, l'accord de performance collective peut permettre à l'employeur de réduire ses coûts et/ou de flexibiliser son organisation. Au risque d'un « moins-disant social », comme l'a appelé dans son dernier rapport le comité d'évaluation des ordonnances de 2017 .

Trois domaines exclusivement

Dans le « questions-réponses » qu'il vient de publier, le ministère du Travail précise les limites de l'exercice. Outre le fait que sa motivation doit être explicitée, la rue de Grenelle souligne qu'il ne permet de négocier des mesures qu' « exclusivement dans trois domaines limitativement énumérés par la loi » : « l'aménagement de la durée du travail des salariés, l'aménagement de leur rémunération (éventuellement à la baisse) ; la détermination des conditions de leur mobilité professionnelle ou géographique au sein de l'entreprise ».

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Pas question, en particulier, d'utiliser l'outil pour déroger à la convention collective à laquelle appartient l'entreprise sur des points comme la durée de la période d'essai ou celle du préavis de licenciement, comme c'est prévu dans les dispositifs clé en main de l'organisation patronale minoritaire de la plasturgie Plastalliance qui revendique la conclusion de 51 accords. C'est hors champ, donc illégal, dit clairement le ministère.

Respect du droit du travail

Alors qu'un certain nombre d'autres accords déjà conclus portent sur le déménagement d'une entreprise, le « questions-réponses » souligne aussi qu'un APC ne peut pas se substituer au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui doit être lancé dans ce cas.

Sur les trois domaines autorisés, le ministère du Travail pointe aussi les limites à ne pas dépasser. « L'accord doit être conforme aux règles de droit du travail auxquelles il n'est pas permis de déroger », précise son document. Côté rémunération, supprimer une indemnité forfaitaire de repas voire le 13e mois, oui, mais baisser la rémunération en deçà des minima conventionnels ou du SMIC, non. Augmenter le temps de travail, l'annualiser, réduire la majoration des heures supplémentaires jusqu'à 10 % ou faire travailler des jours fériés est aussi possible, mais impossible de ne pas payer les heures supplémentaires ni de réduire le nombre de jours de congés payés en deçà de cinq semaines.

Vigilance des syndicats

En matière de forfait en heures ou en jours, le salarié dont le contrat de travail le prévoit déjà se verra imposer les modifications prévues dans l'APC. Mais pas celui qui n'était pas jusque-là au forfait. Dans ce cas-là, APC ou pas, l'employeur devra recueillir son accord pour modifier son contrat de travail et le salarié pourra refuser sans risquer d'être licencié pour ce motif. Le refus d'un APC ne fait pas non plus partie des cas de rupture anticipée en cas de CDD, mais on peut penser que la pression sera forte.

On peut compter, au sujet de tous ces points, sur la vigilance des syndicats, alors que les confédérations ont unanimement dénoncé un dispositif qui encourage, selon elles, le dumping social et est très déséquilibré pour les salariés puisqu'il n'y a aucune obligation pour les dirigeants et les actionnaires de faire eux aussi un effort. S'ils disposent de l'arme du recours en justice au moins pour contrer les clauses illégales, il y a une difficulté de taille pour les syndicats : beaucoup d'APC, en tout cas jusqu'à présent, ont été conclus dans des PME où ils sont faiblement voire pas implantés. 

Leïla de Comarmond    

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