Ludivine Charniguet

D'autres mobilités en vallée

Le 30 octobre dernier, Bizi! devait proposer une formation pour les élus au sujet des mobilités alternatives à la voiture solo en milieu rural. L'événement a dû être annulé en raison du confinement mais MEDIABASK fait le point entre autres avec un des conférenciers, en prenant exemple notamment sur la vallée des Aldudes.

Les Aldudes.
Les Aldudes.

"La voiture reste encore le mode de transport privilégié en zone rurale. Plus de 80 % des déplacements se font en voiture y compris pour faire moins de trois kilomètres" reconnaît Frédéric Lescommères. Directeur d'études développement des territoires et mobilités auprès de l'établissement public Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), ce dernier ne baisse pas pour autant les bras et reste persuadé que les alternatives sont possibles en passant par la sensibilisation du plus grand public. D'ailleurs, ce spécialiste des zones rurales et de montagne devait animer une conférence auprès d'élus dans le cadre d'un cycle de formation animé par Bizi! le 30 octobre dernier à Saint-Jean-le-Vieux. Le confinement ne fait que retarder le rendez-vous.

L'objectif est de proposer des alternatives au tout voiture et Frédéric Lescommères prend comme exemple l'expérimentation de la navette Kintoa Mugi dans la vallée des Aldudes à laquelle il a participé. Mise en service en novembre 2016 grâce à l'impulsion de l'association Aiba (à l'époque, l'association des commerçants de la vallée des Aldudes), elle est gérée depuis décembre 2017 par le Syndicat des mobilités. "Au départ, cette navette, qui relie Saint-Martin d'Arrossa à Urepel, était destinée aux actifs qui devaient rejoindre les principaux employeurs de la zone. Avec des horaires plus élargis, elle permet aux locaux de pouvoir faire leurs courses, se rendre chez leur médecin, amener les enfants à des activités périscolaires…" Depuis le mois de janvier 2020, cinq allers retours sont proposés dans la journée et en moyenne, ce mode de transport comptabilise 300 montées par mois. "Avec la gare de Saint-Martin-d'Arrossa qui permet de rejoindre Bayonne en train, cette multimodalité est encore plus attractive mais il y a encore beaucoup à faire pour convaincre les habitants" estime Pascal Darrieumerlou, chargé de mission auprès d'Aiba.

"35 centimes le kilomètre"

Frédéric Lescommères indique que la tranche de la population rurale qui a tout de suite adhéré à ce mode de transport est pour l"instant ceux qui sont dépendants des mobilités, à savoir les plus précaires. "Quand on interroge les habitants, la plupart ne se pose même pas la question. 'Moi ? Je n'ai pas de problème de mobilité puisque j'ai ma voiture'. Selon eux, la navette représente davantage de contraintes et faire du covoiturage se résume souvent à l'entourage ou aux voisins". Le directeur d'études n'est toutefois pas pessimiste. "Il faut faire évoluer nos comportements. Le mouvement des Gilets jaunes a mis en avant la fragilité sociale du pays, avec la hausse du carburant. Le coût réel mensuel d'une voiture est souvent minoré. Il est pourtant de 35 centimes par kilomètre. Cela peut donner envie aux gens de réfléchir autrement".

L'association Aiba, avec le Cerema et le Syndicat des mobilités étudient d'autres alternatives qui pourraient être testées dans la vallée des Aldudes. "Une des questions reste : comment relier les foyers les plus isolés aux différents arrêts de la navette Kintoa Mugi ? Une solution pourrait être le transport à la demande comme cela est fait ailleurs au Pays Basque. L'idée serait de trouver des bénévoles dans les communes pour amener ces personnes et leur permettre de recréer du lien social" explique Pascal Darrieumerlou. Une application locale dans la vallée et celle de Baigorry est d'ailleurs disponible. 70 personnes y sont inscrites. "A l'échelle du Pays Basque, le Syndicat des mobilités devrait bientôt lancer une application de covoiturage sur tout le territoire et ce sera certainement plus pertinent. Mais déjà, cette application a permis de mettre en relation de nombreuses personnes" reconnaît le chargé de mission auprès d'Aiba.

Des centres bourgs à repenser

Autre piste envisagée : l'autostop organisé. "Rien n'est encore lancé mais le but serait d'encadrer et de sécuriser ce système. Cela se pratique dans d'autres territoires de montagne en France" précise Pascal Darrieumerlou. "L'autostop collaboratif fonctionne généralement très bien auprès des 15-30 ans aujourd'hui ; il faut pouvoir redonner de la confiance auprès des 40 ans et plus" considère Frédéric Lescommères. Pour le directeur d'études au Cerema, le public n'est pas le seul à devoir changer ses habitudes. Les élus doivent également repenser l'aménagement de l'espace public pour laisser la place aux solutions alternatives au tout voiture. "Les centres bourgs sont encore surdimensionnés pour l'usage de la voiture individuelle dans les micro-déplacements (moins de trois kilomètres). Il y a probablement des actions à mettre en place pour favoriser les modes actifs de déplacements (marche à pied, vélo, vélo à assistance électrique…) dans l'espace public en réduisant la place de l'automobile. Plus de 66 % des déplacements de moins de trois kilomètres sont faits en voiture individuelle non partagée".

Quid de la navette électrique ? "Ce mode de transport est très utilisé en zone urbaine. Les petites navettes (de 18 à 20 places) électriques ou à hydrogène pourraient être adaptées, mais à condition qu'il y ait assez de bornes de recharge. Pour effectuer un trajet Saint-Jean-de-Vieux/Saint-Jean-Pied-de-Port, pourquoi pas ? Mais ce type de navettes n'est pas du tout adaptée aux zones pentues comme Iraty, Esterençuby ou les Aldudes".