Retraite : le Conseil d’Etat tacle la réforme

Dans un avis publié ce vendredi, l’institution émet plusieurs critiques sur le projet du gouvernement, notamment des «projections financières lacunaires».

 Le Conseil d’Etat pointe notamment un manque d’informations « sur la situation individuelle des assurés et des employeurs ».
Le Conseil d’Etat pointe notamment un manque d’informations « sur la situation individuelle des assurés et des employeurs ». LP/Olivier Boitet

    Présenté ce vendredi matin en Conseil des ministres, le projet de loi réformant les retraites pèse pas moins de 2,4 kg. Un texte de 1000 pages, composé notamment d'une étude d'impact, sur lequel s'est prononcé le Conseil d'Etat. Et il n'est pas tendre. Dans son avis publié ce vendredi toujours sur Legifrance, il commence par dénoncer le manque de temps pour examiner ce volumineux texte : « La volonté du gouvernement de disposer de l'avis (NDLR : du Conseil d'Etat) dans un délai de trois semaines ne l'a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l'examen ». Sur le fond, la juridiction administrative tacle pour commencer les « projections financières » figurant dans le projet de loi et l'étude d'impact. Projections « qui restent lacunaires », écrit-elle.

    « Dans certains cas, cette étude reste en deçà de ce qu'elle devrait être, de sorte qu'il incombe au gouvernement de l'améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au Parlement ». S'agissant de l'impact de la réforme, le Conseil d'Etat pointe notamment un manque d'informations « sur la situation individuelle des assurés et des employeurs, sur le taux d'emploi des seniors, les dépenses d'assurance-chômage et celles liées aux minima sociaux ». Bref une large partie de l'environnement de la réforme. Au passage, les conseillers rappellent à l'ordre le gouvernement, précisant que « les documents d'impact doivent répondre aux exigences générales d'objectivité et de sincérité »…

    Ce n'est pas fini. Le projet de loi habilite le gouvernement à régler par le biais de 29 ordonnances une quarantaine de questions pas encore réglées. Des questions jugées importantes par le Conseil d'Etat qui cite, par exemple, « les conditions d'entrée en vigueur de la réforme ». « S'en remettre à des ordonnances pour la définition d'éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité nécessaire à l'appréciation des conséquences de la réforme », glisse le Conseil d'Etat à l'adresse des parlementaires qui examineront le texte.

    Des abus de langage

    Dans son avis, le Conseil d'Etat, va même jusqu'à dénoncer des abus de langage. « Le projet de loi ne crée pas un régime universel de retraite, écrit-il, mais un système universel par points à l'intérieur duquel existent cinq régimes, et à l'intérieur de chacun de ces régimes créés ou maintenus, des règles dérogatoires à celles du système universel. »

    Abus de langage encore, dans l'usage du slogan : « Chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous. » Le Conseil d'Etat juge que « cet objectif reflète imparfaitement la complexité et la diversité des règles de cotisation ou d'ouverture de droits définies par le projet de loi ». Voilà qui est clair.

    Enfin, gros problème en vue pour le gouvernement qui prévoit dans son projet de renvoyer à une loi de programmation les dispositions devant compenser par une hausse de salaire, la perte de pension qu'entraînera le système universel pour les enseignants et chercheurs fonctionnaires. Pour le Conseil d'Etat qui les rejette, « ces dispositions constituent une injonction au gouvernement de déposer un projet de loi et sont ainsi contraires à la Constitution ». À quelques petits détails près, le reste du texte est validé.

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