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L'exécutif veut refonder Action Logement et puiser 1 milliard d'euros dans sa trésorerie

Le gouvernement est décidé à ponctionner une nouvelle fois dans la trésorerie d'Action Logement pour boucler son budget 2021, pour un montant compris entre 1 et 1,5 milliard d'euros. L'Elysée pousse fortement à une refonte de la gouvernance et des missions de l'ex-1 % Logement.

La trésorerie d'Action Logement est importante. Elle a frôlé les 8 milliards d'euros en 2018 (seule année pour laquelle le groupe a publié des comptes consolidés).
La trésorerie d'Action Logement est importante. Elle a frôlé les 8 milliards d'euros en 2018 (seule année pour laquelle le groupe a publié des comptes consolidés). (Francois Henry/REA)

Par Renaud Honoré, Elsa Dicharry

Publié le 7 sept. 2020 à 07:00

Fini les grandes réformes structurelles qui transforment le pays ? Emmanuel Macron et le gouvernement sont très sensibles à cette petite musique qui commence à émerger sur la fin des ambitions réformatrices. Raison pour laquelle ils cherchent de nouveaux objets politiques susceptibles de montrer que la crise du Covid-19 ne les a pas transformés en simples gestionnaires. Action Logement pourrait en faire les frais. Selon nos informations, le gouvernement se prépare dans un premier temps à ponctionner au moins 1 milliard d'euros de la trésorerie de l'ex-1 % Logement, et envisage également une refonte complète de sa gouvernance.

Action Logement est de longue date dans le viseur de l'exécutif. L'an dernier déjà, il avait puisé 500 millions dans sa trésorerie pour boucler le budget 2020. « Il faudra revenir sur ce dossier, le modèle d'Action logement doit clairement être revu », menaçait il y a un an un haut-fonctionnaire de Bercy. Depuis, un rapport a été commandé par Matignon à l'Inspection générale des finances, et il s'est avéré particulièrement sévère pour cet organisme qui collecte la Peec (participation des employeurs à l'effort de construction) payée par les entreprises pour financer la construction de logements sociaux et intermédiaires et des aides aux salariés pour faciliter leur accès au logement. Une ressource annuelle de près de 1,7 milliard. Le document dénonçait pêle-même les « dysfonctionnements majeurs » de la gouvernance qui freinerait les projets de construction, et l'incapacité du groupe géré de façon paritaire à réduire ses frais de fonctionnement.

Objectif budgétaire

Le rapport a donné le signal d'une vaste offensive de l'exécutif. Le premier objectif est budgétaire et de court terme. Bercy lorgne, comme l'an dernier, la trésorerie dont le montant plantureux - il a frôlé les 8 milliards d'euros en 2018, le chiffre 2019 ne sera dévoilé que fin septembre - est vu comme une anomalie de gestion. « La preuve de l'incapacité d'Action Logement à accélérer son programme d'investissements », disent en substance les représentants de l'Etat, tandis que les partenaires sociaux accusent ce dernier d'entraver l'action du groupe. Bercy veut donc une nouvelle fois puiser dans ce trésor de guerre, alors que les déficits publics explosent. Une fourchette de 1 à 1,5 milliard a été avancée. « Ce sera plutôt 1 milliard », assure une source gouvernementale.

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Le deuxième objectif, de plus long terme, concerne la gouvernance et les missions d'Action Logement. La feuille de route n'est pas encore clairement établie, mais un mot d'ordre semble s'imposer : il s'agirait de « mettre le modèle sous tension », selon un bon connaisseur du dossier. Plusieurs pistes sont évoquées, comme le recentrage d'Action Logement sur sa mission d'origine, à savoir faciliter le logement des salariés près de leur lieu de travail. Actuellement, la majorité du parc de près de 1 million de logements serait occupé par des retraités ou des personnes défavorisées.

L'Etat voudrait donc qu'Action Logement fasse plus pour les salariés, mais pas forcément avec autant de moyens. Une baisse du taux de la Peec (qui représente 0,45 % de la masse salariale et qui pourrait être diminué à 0,20 % sur plusieurs années) a été évoquée. Autant de scénarios qui risquent de briser le consensus entre patronat et syndicats aux manettes du groupe.

Tentation de l'Etat

La délicate question de la gouvernance pourrait en revanche les ressouder. Les partenaires sociaux craignent une tentation au sein de l'Etat de rapatrier les missions d'Action Logement et son financement dans son giron. « C'est une ligne rouge à ne pas franchir, notre gestion a fait ses preuves », répond Bernard Verquerre, le représentant CPME à Action Logement. Une telle option détonnerait, au moment où Jean Castex veut retisser le lien avec les partenaires sociaux .

Certains y voient aussi le risque - si la réforme est pilotée par Bercy - que l'argent de la Peec ne soit plus intégralement fléché vers le logement. Or Action Logement n'est pas seulement le premier bailleur social. Le groupe participe aussi activement au financement de programmes essentiels de politiques publiques du logement… à la demande de l'exécutif : rénovation des zones urbaines sensibles, revitalisation du centre des villes moyennes, lutte contre l'habitat indigne, réhabilitation des copropriétés dégradées, rénovation énergétique, etc.

Le gouvernement est en tout cas décidé à avancer. Depuis plusieurs jours, Bruno Le Maire, le ministre des Finances, dit publiquement que le rétablissement des comptes publics passera « par des réformes structurelles sur les retraites et Action Logement ». Selon des sources proches du dossier, l'Elysée mettrait également une forte pression pour aboutir rapidement. En attendant, la question de la succession du directeur général de l'organisme, Bruno Arbouet, qui doit partir à la retraite d'ici à la fin mars 2021, n'a toujours pas été tranchée.

Renaud Honoré et Elsa Dicharry (avec Isabelle Ficek)

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