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Comment Twitter est devenu la boule de cristal des marchés financiers

Le réseau social est désormais une bible pour les investisseurs. Il s’est imposé comme un canal complémentaire de Bloomberg.

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Quand 140 caractères font bouger les marchés.
Publié le 31 juil. 2015 à 05:17

Twitter a beau avoir reconnu, mardi, un ralentissement du nombre de ses nouveaux utilisateurs, en matière financière, il est devenu la miss météo des marchés, concurrençant avec une fraîcheur parfois impertinente les grands manitous de l’information financière. Plus accessible, moins rigide, le réseau social s’est depuis quelques années imposé comme un canal d’information complémentaire aux terminaux de Bloomberg.

Le phénomène a de quoi séduire les chercheurs, qui se sont montrés très prolixes sur le sujet depuis le début de la décennie, s’intéressant surtout à l’effet de ce déferlement d’opinion publique sur les mouvements boursiers. Johan Bollen, chercheur à l’université de l’Indiana, est un précurseur en la matière : en 2010, il a montré que les données de Twitter pouvaient prédire l’évolution de l’indice du Dow Jones avec 87,6 % de fiabilité.

« Flash crashs »

Il faut dire que ces dernières années, Twitter s’est révélé être la source d’information privilégiée de dernière minute. Selon Frederik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole, le phénomène de contagion de la crise de la zone euro a été un point de rupture : « les économistes ont eu besoin d’avoir accès à des informations provenant de pays qu’ils ne suivaient pas forcément. Twitter permet d’être en contact rapidement avec la bonne personne au cœur de l’information. » Cette instantanéité explique le développement fulgurant du tweet boursier chez les analystes financiers.

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D’autant que les entreprises se sont mises à y diffuser leurs informations financières depuis que la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme boursier américain) les y a autorisées en avril 2013. Alban Jarry, expert en réseaux sociaux et finance, juge que cet adoubement « a permis de fiabiliser l’information. Les marchés financiers se sont alors davantage intéressés à ce canal qui devenait une source comme les autres. »

A l’époque, Bloomberg en avait également profité pour sauter le pas en ajoutant les messages Twitter à son offre de services financiers quotidiens. Dans les semaines qui suivent, les « flashs crashs » s’enchaînent. Les comptes de grands groupes de presse, tels « Financial Times » ou Associated Press(AFP américaine), sont détournés. Alban Jarry explique : « on n’avait pas mis en place d’indicateurs de fiabilité. Le marché a dû apprendre à maîtriser ces nouvelles sources d’information et s’est adapté. »

Algorithmes de tri

Très vite, les entreprises du secteur ont donc voulu tester la température affichée par Twitter. Dans une interview donnée aux « Echos » le 30 juin dernier, Fiona Frick, directrice d’Unigestion – société de gestion indépendante suisse –, confiait : « c’est important pour nous, car on pense que les marchés financiers reflètent la somme des raisonnements mais aussi des émotions des acteurs qui interviennent dessus ». Or la quantité astronomique de tweets quotidiens rend le tri fastidieux pour les investisseurs.

Là aussi, la recherche est intervenue pour démêler les caractéristiques propres à la communication financière sur Twitter. Une équipe de l’université de Californie a révélé l’existence d’ une corrélation importante entre le nombre de transactions d’un titre et le nombre de « composants raccordés » – c’est-à-dire le nombre de posts liés à des sujets distincts concernant la même entreprise.

S’appuyant sur ces travaux, des outils d’analyse et de compilation ont vu le jour. De nombreuses entreprises ont profité de cette manne en développant des logiciels sophistiqués capables de générer des indicateurs et scores à signe en traitant un vaste ensemble de tweets. Dès 2012, Twitter lui-même réalisait une augmentation de 66 % de son chiffre d’affaires de licences d’utilisation de données, prenant conscience de la valeur de cet amas de tweets pour la communauté d’investissements.

Des twittos influents

Sur le compte Twitter du célèbre blog, Brad Pitt, l’interprète de Tyler Durden, pose torse nu. Le héros rebelle de « Fight Club » sert de signature aux rédacteurs anonymes du compte, suivis par 269.000 followers pour le cynisme de leurs tweets qui vont droit au but. Derrière ce compte se cacheraient des salariés et ex-spécialistes de Wall Street, qui relayent de l’information moins enjolivée que les canaux officiels, parfois même à contre-courant. Dénonçant les schémas financiers frauduleux, ils se sont fait connaître pour avoir révélé l’accès de Goldman Sachs à des informations confidentielles concernant le trading algorithmique en 2009. La méthode ne fait pas l’unanimité. Critiqué, ZeroHedge se contente purement et simplement de bloquer ses détracteurs.La firme de Carson Block, qui compte 25.900 followers sur Twitter, fait partie des influenceurs des marchés. Comme ses confrères, cette société d’analyse s’est facilement approprié l’outil de communication pour y diffuser ses rapports, connus pour démasquer les manquements et fraudes de sociétés. Véritable justicier des marchés, elle détient le pouvoir, en un tweet, d’affecter la valorisation d’une entreprise ou d’appeler les agences de notation financière à revoir leur copie. Une source de conflits d’intérêt problématique, la société ne cachant pas ses prises de positions dans les valeurs qu’elle suit.Il le reconnaît, Twitter « est son dada ». Economiste au Crédit Agricole, Frederik Ducrozetconsidère que « ceux qui n’y sont pas sous-estiment l’outil ». Côté input, le réseau lui permet « d’obtenir une bonne information, rapide et de qualité ». Côté output, c’est un moyen de « distribuer sa propre recherche, en touchant un grand nombre d’experts, de journalistes »… Et pour cause, il collectionne plus de 9.000 followers. Ses sources, il les trie « par habitude, avec une prudence systématique. Il faut par exemple être vigilant aux comptes qui ont tendance à effacer leurs tweets ». Ne s’infligeant « peut-être pas assez de discipline » côté liberté de ton, il remarque que, dans le secteur, « d’un point de vue conformité, on tâtonne ». En même temps, en observant les statistiques de Tweetactivity, il souligne que « ce qui marche, c’est souvent les graphiques ou les tweets drôles ».

Laura Le Saux

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