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Santé

Des premiers cas de Covid-19 au confinement : le récit du peu connu conseil scientifique du gouvernement

Ils sont 11, et ce sont les fameux "scientifiques" auxquels les membres du gouvernement font référence à chaque nouvelle annonce concernant l'épidémie de Covid-19. Dans un souci de transparence, ils racontent l'envers du décor.

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Des premiers cas de Covid-19 au confinement : le récit du peu connu conseil scientifique du gouvernement

Les Français sont confinés chez eux pour au moins 15 jours depuis le mardi 17 mars 2020 à midi.

LUDOVIC MARIN / AFP

Un "basculement", une "réalisation" : lorsque début mars 2020 l'épidémie de Covid-19 prend une nouvelle tournure, un comité d'expert est constitué par le gouvernement. Composé de 11 membres, ces derniers relatent les circonstances qui ont mené aux dernières prises de décisions politiques et, ultimement, à un confinement inédit de la population française.

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5% de malades graves, l'obésité à surveiller

"Nous avons senti le basculement à partir de la fin de la première semaine de mars", témoigne le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital Bichat et membre du conseil scientifique guidant les dernières décisions gouvernementales concernant l'épidémie de Covid-19. "Nous avons vu arriver des malades graves dans les services de réanimation et de maladies infectieuses", et "on voyait pour la première fois que sa mortalité était supérieure à celle de la grippe". Ces malades graves comptent pour 5% des patients, et plus de la moitié ont plus de 60 ans. Les malades graves du Covid-19 ont besoin de plus de ventilation et d'un délai d'hospitalisation plus long de la grippe - jusqu'à trois semaines – et ont plus souvent besoin d'être intubés, explique le médecin.

Un facteur de risque encore peu connu est l'obésité, révèle le Pr Yazdanpanah. Chez les personnes jeunes (30 à 40 ans), ce surpoids semble augmenter la durée de séjour.

"Le temps s'accélère"

Face à ce nouvel afflux, l'épidémie apparait sous un nouveau jour. Depuis le 24 janvier, jour de déclaration du premier cas venu de Chine, la situation évoluait par à-coups, avec les cas des Contamines-Montjoie, attribués à un anglais venu de Singapour. Puis un enseignant meurt à l'hôpital, révélant le foyer caché dans l'Oise : "le temps s'accélère soudain", raconte Arnaud Fontanet, épidémiologiste lui aussi membre de conseil scientifique. En Italie, la situation s'emballe. "Nous rentrons dans une deuxième phase avec plusieurs clusters (foyers de contamination, ndlr) de plus en plus difficiles à contenir". Les 7 et 8 mars, à la fin de cette fameuse première semaine dont parlait le Pr Yazdanpanah, "la situation bascule avec 81 nouveaux cas à Mulhouse en l'espace de 24h, suite au rassemblement évangéliste", continue Arnaud Fontanet. C'est une "prise de conscience", la réalisation que l'épidémie "passe à la vitesse supérieure".

Des "décisions difficiles" basées sur des données "parcellaires"

Le jeudi 12 mars, le conseil scientifique ne dispose encore que de données "parcellaires" sur la façon dont le virus touche les enfants, se rappelle Arnaud Fontanet. Néanmoins, "les premières données chinoises montrent qu'il les infecte autant que les adultes", ce qui a guidé la décision "très difficile" du conseil scientifique : recommander la fermeture des établissements scolaires et universités, et l'isolement des personnes de plus de 70 ans. "De 34 cas de malades en réanimation mardi dernier, nous en avons aujourd'hui mardi 17 plus de dix fois plus", précise le Pr Jean-François Delfraissy, spécialiste en immunologie, et qui dirige le conseil scientifique.

"La perception de la gravité de la maladie par les Français est très évolutive, et c'est normal", constate alors Laetitia Atlani-Duault, directrice de recherche en anthropologie sociale à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et membre du conseil scientifique. "Entre prise de décision et acceptation sociale, il y a un monde… Qui se trouvait dans les parcs et jardins dimanche dernier", remarque le Pr Jean-François Delfraissy. Lors du confinement, il faudra encore compter avec la gestion psychologique et aux angoisses de la population, ajoute Laetitia Atlani-Duault.

Les modèles mathématiques plus décisionnels que prédictifs

Ce conseil scientifique n'a été créé qu'il y a 10 jours, et compte autant de membres - auquel peut s'ajouter le médecin infectiologue Didier Raoult - qui se réunissent quotidiennement. Les décisions difficiles s'enchaînent, basées notamment sur des modèles mathématiques parfois alarmants. "Les chiffres de 300.000 à 500.000 morts et de 50% des Français touchés circulent, mais les modèles mathématiques font souvent des prédictions exagérées", tempère Arnaud Fontanet. Il rappelle que la vache folle a fait 200 morts, là où les modèles en prévoyaient mille fois plus. "Il est très difficile de prédire quelle trajectoire suivra l'épidémie", aussi les modèles servent-ils plutôt à "tester les mesures qui vont avoir le meilleur impact".

Les premiers effets du confinement total des Français devraient être perceptibles à la fin des 15 jours prescrits par le gouvernement. "Le risque d'un 'lock-down' total à la chinoise, c'est que l'épidémie reparte de plus belle lorsque tout sera rouvert et que les gens ne seront pas immunisés", pointe tout de même le Pr Jean-François Delfraissy. "Nous referons le point dans deux semaines". "L'enjeu est d'écrêter l'épidémie et en particulier l'arrivée des formes graves de la maladie, afin d'éviter la submersion des services de réanimation", sans pour autant laisser de côté les gens qui souffrent d'autre chose que du Covid-19, conclut-il.

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