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La RDC table sur ses infrastructures Ebola pour affronter le Covid-19

Alors que trois personnes ont été diagnostiquées positives au coronavirus, les autorités pensent que leur expérience de la lutte contre la fièvre hémorragique pourrait les aider.

Par Juliette Dubois (Kinshasa, correspondance)

Publié le 13 mars 2020 à 15h08, modifié le 15 mars 2020 à 23h25

Temps de Lecture 4 min.

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L’hôtel Belle Vie, à Kinshasa, le 11 mars 2020, en quarantaine après avoir hébergé le possible premier patient diagnostiqué au Covid-19 en RDC.

Sur Twitter, les internautes congolais s’amusent : « L’histoire retiendra qu’en RDC, il y a eu passation pacifique et civilisée entre coronavirus et Ebola. L’alternance épidémiologique. » Le pays n’aura pas eu le temps de souffler. Alors que la fin de la dixième épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo (RDC) pourrait être officialisée mi-avril, le premier patient atteint du Covid-19 a été détecté à Kinshasa, mardi 10 mars. Deux jours plus tard, un deuxième cas a été confirmé, puis un troisième dimanche. Effet collatéral bienvenu, le pays pourrait tirer bien des bénéfices de l’épidémie meurtrière qui frappe l’est de son territoire depuis août 2018.

Un certain nombre d’investissements et de nouvelles habitudes ont été mises en place, qui devraient perdurer. « Les tests de température aux frontières sont désormais organisés dans le pays, que ce soit aux aéroports ou aux sorties des bateaux qui arrivent de Brazzaville, explique la docteure Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique. Et, surtout, le pays a investi beaucoup pour la surveillance. »

Depuis la riposte contre Ebola, en effet, les 10 000 centres de santé éparpillés dans ce gigantesque pays dont la superficie fait quatre fois la France ont pris l’habitude de faire remonter tous les cas suspects. Les communautés locales ayant, elles aussi, été largement mobilisées pour la sensibilisation, ces relais vont pouvoir être réutilisés.

Un nouveau laboratoire

« Le personnel qui a l’habitude de la gestion d’Ebola va pouvoir aider au contrôle et à la prise en charge de cette nouvelle épidémie », précise le docteur Aruna Abedi. Ce praticien sait de quoi il parle : il y a deux mois, il était encore coordinateur du plan de riposte contre Ebola. Il vient d’être nommé coordinateur du plan de riposte contre le Covid-19.

Ebola a aussi accéléré la construction d’un nouveau laboratoire à l’Institut national de recherche biomédicale de Kinshasa. Inauguré fin février, ce bâtiment flambant neuf financé par le Japon comprend des infrastructures de pointe pour la gestion des épidémies. C’est d’ailleurs là-bas qu’ont été réalisés les tests permettant d’identifier le premier malade du coronavirus. D’autres devraient voir le jour à Goma et à Lubumbashi, sur le même modèle.

En dépit de ces préparatifs, le docteur Muyembe, qui a été l’architecte de la riposte à Ebola pour le ministère de la santé, reste malgré tout sceptique sur les capacités du pays à gérer une nouvelle épidémie : « Honnêtement, on n’est pas prêts. La population à l’est du pays a été confrontée à Ebola, ils ont compris le coût en vies humaines et le coût économique. Mais à l’ouest et à Kinshasa, Ebola semble loin, donc il faut tout refaire, et vite. Le virus est entré à Kinshasa, il ne faut pas qu’il en sorte. »

Et c’est là tout l’enjeu de l’épidémie qui approche. Pour le docteur Aruna, il faut complètement revoir la manière d’aborder la riposte au virus, car « Ebola était un virus congolais, il fallait donc éviter qu’il ne sorte et ne contamine les pays voisins. Mais le coronavirus est importé, il faut donc éviter qu’il n’entre ».

Peur de se retrouver seul face à l’épidémie

La vraie interrogation est l’état du système de santé congolais, sa capacité à traiter et à isoler la maladie. La structure désignée initialement pour accueillir les malades était l’unité de confinement de Kinkole, près de Kinshasa, conçue pour les malades d’Ebola. Mais il faut tenir compte du mode de transmission de ce nouveau virus. « Comme la contamination ne se fait plus par les fluides mais par les voies aériennes, il faut qu’on renforce l’isolation des chambres », observe le docteur Aruna, coordinateur de la riposte. Le docteur Muyembe penche, lui, pour la privatisation de pavillons d’hôpitaux pour les futurs malades.

Il reste clair que les efforts entrepris contre Ebola ne seront pas suffisants pour arrêter le Covid-19 aux frontières. Cela conduit le docteur Muyembe à un brin de pessimisme. Environ 10 % de la population congolaise pourrait être touchée, selon lui. « Nos capacités de prise en charge et de réanimation sont insuffisantes. Et je m’inquiète encore plus pour le personnel médical, qui n’est pas suffisamment équipé », précise le médecin. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) assure être aux côtés des autorités pour fournir gants, masques et matériel aux structures de santé.

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Ce qui inquiète aussi côté congolais, c’est de se retrouver seuls pour gérer l’épidémie. « Nos partenaires économiques comme la France et la Belgique sont durement touchés par le coronavirus. Leur priorité ne sera pas de nous aider. »

Le 12 avril, si aucun nouveau cas d’Ebola n’a été détecté, l’épidémie sera officiellement terminée. En attendant, le temps est suspendu : « Nous croisons vraiment les doigts pour que ça se termine. On ne pourra pas gérer ces deux épidémies en même temps », soupire le docteur Muyembe.

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