Réforme des retraites et 49.3 : «Je ne me défausserai pas», prévient Edouard Philippe

Le Premier ministre a assuré au groupe de députés de la majorité qu’il prendra « ses responsabilités », tout en laissant l’impression de jouer la montre.

  « Notre objectif reste d’adopter la réforme avant l’été », explique le Premier ministre, qui pourrait se voir obligé de dégainer le 49.3.
« Notre objectif reste d’adopter la réforme avant l’été », explique le Premier ministre, qui pourrait se voir obligé de dégainer le 49.3. LP/Philippe Lavieille

    « Le 49.3 est une responsabilité du Premier ministre. Si je considère que c'est comme cela qu'il faut avancer, je prendrai mes responsabilités », assène Edouard Philippe. Pressé par une partie de la majorité, y compris l'Elysée, d'accélérer l'adoption du texte sur la réforme des retraites, le Premier ministre a pour la première fois, envoyé des premiers éléments de réponses devant les siens.

    L'explication a eu lieu ce mardi matin salle Colbert, à l'Assemblée nationale, pendant la réunion de groupe hebdomadaire. Un rendez-vous largement consacré aux interrogations liées autour d'un possible recours au 49.3, alors que l'examen du texte traîne en longueur, écrasé sous les 40 000 amendements déposés par l'opposition.

    « Un temps infini à examiner des amendements dérisoires »

    « On est passé dans une tonalité d'obstruction à une tonalité d'enlisement. Quand on regarde le détail de ce qu'il se passe dans l'hémicycle, on voit un temps infini passé à examiner des amendements dérisoires. Ça pourrait être comique, si ce n'était pas tragique », a-t-il déclaré devant la centaine de députés présents. Certains se disent « perplexes » et même « très inquiets » en voyant comment l'examen du texte traîne en longueur. Lundi, au bout de huit jours de discussions, l'Assemblée n'est effectivement parvenue à faire adopter que l'article 1er du texte … sur un total de 65 à examiner.

    Alors que faire ? Passer en force avec le recours au 49.3 ? « Je n'ai jamais critiqué son utilisation, je suis à l'aise avec la Constitution », se défend Philippe, alors que plusieurs proches expliquent qu'il redoute l'utilisation d'une telle arme si près du scrutin municipal, avec le risque d'un vote sanction contre des listes soutenues par la République en marche. Y compris la sienne au Havre. « La question qui se pose est : doit-on l'utiliser ? Quand ? Et sur quoi ? », pose le Premier ministre, qui, selon nos informations, a longuement échangé sur le sujet lundi lors de son déjeuner hebdomadaire avec Emmanuel Macron.

    Une chose est sûre, le temps presse. « Notre objectif reste d'adopter la réforme avant l'été. Car après l'été, on est dans une phase un peu différente, avec moins de temps, un agenda politique et parlementaire redoutablement chargé », explique Philippe. Pour faire adopter le texte avant l'été, il doit être au Sénat au mois d'avril. Pour être au mois d'avril au Sénat, il doit être adopté en mars à l'Assemblée. C'est mécanique ». Mission impossible ? Le chef du gouvernement compte utiliser à plein les deux semaines qui restent avant la trêve des municipales. Traduction : pas de précipitation sur le 49.3… sans pour autant l'exclure.

    Se caler avec Emmanuel Macron

    « J'assume parfaitement de ne pas dire au jour le jour et d'heure en heure ce que j'ai décidé de faire », assume Philippe devant les députés, pour éviter les fuites dans les médias. « Je pourrais vous dire des choses qui ne pourraient pas arriver, histoire de lancer des fausses pistes ! », a-t-il même provoqué, suscitant des rires dans la salle Colbert.

    « Mais je peux quand même vous dire que quand il faut prendre mes responsabilités, je n'ai pas pris l'habitude de me défausser », prévient Philippe à propos d'un possible recours au 49.3. Mais pas trop tôt, donc : « Nous avons besoin que vous continuiez à être dans la discussion, pour une raison simple : je trouve compliqué et difficilement compréhensible pour l'opinion de prendre acte trop tôt », assène-t-il, manière de jouer la montre… et aussi de caler sa position avec celle du président de la République que plusieurs proches décrivent comme plus allant sur l'utilisation d'un tel outil constitutionnel. Réponse de Philippe, un brin provocateur et sourire en coin : « Je ne me lasserai jamais de la petite musique consistant à penser que le président de la République et le Premier ministre ne sont pas alignés. Je ne m'en lasserai jamais ! »