Ce que proposent les députés pour réhabiliter les friches
La mission d’information parlementaire sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives a présenté son rapport le 27 janvier. Définition, sécurisation et accélération des démarches des porteurs de projets, etc., ses auteurs formulent 14 propositions pour traiter « ces verrues plantées parfois depuis très longtemps dans le paysage ». Un document qui pourrait nourrir le projet de loi Climat et Résilience qui sera présenté dans quelques jours en Conseil des ministres.
Sandrine Pheulpin
On le sait, le sujet des friches est au cœur des politiques territoriales de développement durable et la reconstruction de la ville sur la ville, l’une des priorités du gouvernement pour atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Dans ce contexte, la revalorisation des friches présente « un intérêt majeur, à la fois en termes économiques, sociaux et environnementaux ». Pour autant, la remise en état de ce foncier particulier se heurte à de nombreuses difficultés, souligne un rapport d’information parlementaire présenté le 27 janvier 2021 à l’Assemblée nationale, au terme de six mois de travaux.
Définir la notion de friches dans la loi
La première d’entre elles est celle de leur identification. « La cartographie des friches ne va pas de soi, notamment parce que la définition des friches n’est pas homogène ». Aucune définition juridique, ni inventaire local ou national exhaustif n’existent à ce jour « y compris pour les friches industrielles qui sont a priori les plus faciles à recenser », indique le texte. Les auteurs du rapport plaident donc pour une inscription dans la loi d’une définition harmonisée des friches.
Une définition « souple et large » qui permettrait de mieux les identifier et les recenser. Pourrait ainsi être considéré comme friche un « bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé depuis plus de deux ans, dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans une intervention préalable ».
Outre les travaux de développement d’un inventaire national sur les friches – cartofriches – qui devra être mis à jour via un comité de suivi, les rédacteurs proposent également d’inclure dans les documents d’urbanisme, des inventaires locaux comportant les caractéristiques majeures de ces terrains ainsi que les voies de traitement.
Mieux anticiper le devenir des opérations de réhabilitation
Autre difficulté relevée : le niveau de dépollution à atteindre qui n’est pas toujours clairement défini en amont. Ces niveaux « peuvent évoluer au cours du temps et font l’objet de nombreuses négociations qui ralentissent, voire remettent en cause certains projets ». Aussi, pour sécuriser les démarches des porteurs de projet, le niveau de dépollution devrait être déterminé en fonction de l’usage visé.
Les rédacteurs proposent donc de clarifier les dispositions actuelles (méthodologie des sols pollués) et d’y intégrer par exemple la renaturation comme un usage futur possible, cette dernière ne nécessitant pas forcément une dépollution intégrale.
Le rescrit environnemental (prise de position formelle de l’administration sur l’application d’une norme à une situation) pourrait aussi être « une solution possible pour mieux anticiper le devenir des opérations de réhabilitation », indique le document.
Le tiers demandeur, un dispositif qui gagne à être connu
Pour encourager la reconversion des friches, les députés souhaitent aussi mieux faire connaître le dispositif du tiers demandeur. Pour rappel, ce dispositif permet à un tiers (généralement un aménageur) de se substituer – après accord du préfet – à l’ancien exploitant pour réaliser la remise en état du site, en vue de son usage futur. Créé en 2014 par la loi Alur, il reste encore insuffisamment connu et utilisé, notamment par les EPF et les EPA, déplorent les rédacteurs. « Au 15 juin 2020, seuls 93 dossiers ont ainsi été déposés. 39 ont été autorisés et 49 sont encore en cours d’instruction par les Dreal ». Ils estiment aussi « nécessaire de mettre en place, en partenariat avec les assureurs, un groupe de travail chargé de réfléchir au développement de mécanismes d’assurance accessibles et exhaustifs pour les aménageurs de friches recourant au dispositif du tiers demandeur ».
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Décloisonner les procédures pour accélérer les projets
Et pour accélérer les démarches des porteurs de projet, les auteurs du rapport réclament aussi un décloisonnement des différentes procédures administratives (urbanisme, environnement, archéologie préventive) afin d’obtenir une réponse plus cohérente et rapide des services de l’Etat. Ces différentes démarches « ne font pas l’objet de lectures unifiées entre les différents services de l’État (voire au sein d’un même service) ». A cet égard, le certificat de projet pourrait être « un véritable levier de simplification ».
Autre proposition : encourager les collectivités à mener un maximum de procédures en amont de décisions d’implantation industrielle, pour offrir des « sites clés en main » aux opérateurs. Une « garantie de pré-aménagement » qui nécessitera toutefois « un appui technique et financier de l’Etat ».
Renforcer l'action publique
Au-delà de la simplification des procédures, les députés estiment nécessaire de « renforcer les institutions publiques en charge de la rénovation des friches et coordonner leur action ». La région, à qui revient déjà la tâche d’élaborer les Sraddet, deviendrait alors la collectivité « chef de file » sur ces sujets.
L’ingénierie territoriale doit également être renforcée sur certains territoires, selon les auteurs du rapport. « Il y a un enjeu majeur à apporter aux territoires les compétences techniques nécessaires pour assurer le portage foncier, la dépollution et la valorisation de ces friches ». Et là encore, l’échelon régional apparaît comme le niveau le plus adapté. Les régions pourraient ainsi se voir confier la création d’un guichet unique pour que les communes puissent obtenir une aide sur la gestion des friches.
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A la recherche de l'équilibre économique des projets
Mais finalement, le principal point de blocage reste l’équilibre économique des projets. Alors que le financement par le secteur privé ne permet pas de compenser le déficit de rentabilité des projets, les financements publics demeurent, eux « incertains et insuffisants », énoncent les rédacteurs. Le rapport préconise donc de mieux mobiliser les crédits du Fonds européen de développement régional (Feder) - trop peu utilisés par les conseils régionaux - au profit des opérations de revalorisation des friches et notamment des projets impliquant une relocalisation industrielle.
Enfin, dernier levier pour rendre plus attractives la reprise et la réhabilitation des friches : la fiscalité. Les députés proposent d’une part, d’appliquer un taux réduit de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) à l’acquéreur d’une friche en contrepartie d’un engagement ferme à réhabiliter le site, et d’autre part, mettre en place, à l’échelle intercommunale un dispositif de compensation fiscale par bonus/malus qui refondrait la taxe annuelle sur les friches commerciales (TFC) et renforcerait les capacités financières des collectivités pour accompagner les projets de réhabilitation des friches.
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