Vaccination : où se situe la France par rapport à ses voisins européens ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

13 juillet 2021

France – Après trois mois de baisse continue de l'incidence des infections à SARS-CoV-2, la courbe épidémique est repartie à la hausse début juillet et laisse présager une 4ème vague plus précoce qu’annoncée. Face à cette nouvelle envolée des contaminations avec un variant bien plus contagieux, le Conseil Scientifique dresse un premier bilan de la vaccination en resituant la France par rapport à ses voisins européens (voir tableau) et fait des propositions pour contrer ce nouveau rebond [1]. Celles-ci consistent avant tout à donner un coup de boost à la vaccination en ciblant les populations prioritaires. Par ailleurs, le Conseil Scientifique évoque la nécessité d’un rappel (3ème dose) chez les plus âgés.

Reprise épidémique chez les 20-29 ans

La reprise épidémique intervient alors que les niveaux d'hospitalisation conventionnelle et en soins critiques étaient revenus à ceux d'il y a un an. Le nombre de nouveaux cas était de 3 033 le vendredi 2 juillet, contre 2 132 le 25 juin, soit une hausse de 42% en une semaine. Il était au 11 juillet de 4 256, selon Santé Publique France. Si l’on peut considérer que le nombre de nouveaux cas et la tension hospitalière demeurent encore faibles, « la dynamique observée en France est significative et pourrait rapidement dégrader à nouveau la situation sanitaire, considère la Haute Autorité de Santé (HAS) dans un récent avis [2]. Ainsi, le variant delta a-t-il été détecté dans environ 43% des PCR de criblage le recherchant et pour lesquelles le résultat était interprétable au cours de la semaine du 28 juin au 04 juillet, contre 21% la semaine précédente ». Le Conseil scientifique précise de son côté que cette poussée d'incidence « est particulièrement forte dans la tranche d'âge des 20-29 ans, suivie par les tranches d'âge adjacentes (10-19 et 30-39 ans). Le Conseil scientifique attribue cette tendance à une « reprise des interactions sociales plus importantes dans ces classes d’âge (donc non susceptibles de faire des formes graves) » mais précise que « le nombre actuel de sujets contaminés est trop faible en France pour étayer complètement cette hypothèse. » ». En revanche, les taux d'incidence resteraient, à ce stade, « négatifs chez les plus de 50 ans majoritairement vaccinés ».

Tendance générale : succès vaccinal mais peut mieux faire

Pour ce qui est des points positifs, le Conseil Scientifique se félicite de l’avancée de la vaccination. Au 11 juillet, 35 788 198 personnes ont reçu au moins une injection (soit 53,1% de la population totale), et 27 385 182 personnes ont désormais un schéma vaccinal complet (soit 40,6% de la population totale). « Ces chiffres laissent à penser que l’objectif gouvernemental des 45 millions de personnes primovaccinées fin-août sera très probablement atteint » présage-t-il tout en notant un ralentissement du rythme de des primovaccinations quotidiennes passant de 350 000 primovaccinations/jour début mai à 180 000 primovaccinations/jour, alors que la disponibilité des doses est assurée.

« Il est important de noter qu’en France, seulement 80% des personnes âgées de plus de 60 ans sont primovaccinées » indique le Conseil scientifique, ce qui situe la France en dessous de plusieurs pays comme le Royaume-Uni, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, et les pays scandinaves (voir tableau ci-dessous). Cette catégorie de personnes étant la plus vulnérable contre le Covid-19, il est nécessaire, voire primordial, que la campagne de vaccination à leur endroit soit fortement renforcée et accélérée.

 
Il est important de noter qu’en France, seulement 80% des personnes âgées de plus de 60 ans sont primovaccinées.
 

Accélérer le programme vaccinal : quelles populations cibler ?

Avec l’arrivée plus précoce que prévu de cette 4ème vague, comment agir pour limiter son ampleur alors même qu’une partie des Français est ou va être en congés. Pour le Conseil scientifique, « la recommandation majeure est l’accélération du programme vaccinal », vacciner les personnes qui ne le sont pas encore restant l’élément clé de la réponse à la pandémie. Sachant qu’un schéma vaccinal complet est nécessaire pour garantir une efficacité optimale de la vaccination.

 
La recommandation majeure est l’accélération du programme vaccinal.
 

Le conseil scientifique rappelle que :

  • La vaccination des plus de 60 ans et des personnes à risque entre 40 et 60 ans est toujours une priorité ; « un effort massif de communication et d’incitation à la vaccination doit être fait dans les meilleurs délais et sous toutes ses formes en direction de la population âgée non vaccinée (environ 17%) ». Les fichiers « canicule » des CCAS et des conseils départementaux peuvent être utilement utilisés dans les semaines estivales, au cours desquelles ils vont être activés pour des raisons climatiques.

  • La vaccination des personnes jeunes à risque et en particulier obèses est prioritaire. Or, selon les dernières données disponibles, seules 50% des personnes obèses seraient vaccinées.

  • Les personnes migrantes et personnes en situation de grande précarité doivent également être la cible de cette priorité vaccinale. La stratégie « Aller vers » doit être encore intensifiée.

  • La vaccination des adolescents devrait progressivement augmenter durant l’été. « Cette vaccination vient de débuter en France où l’on estime qu’environ 12% des adolescents sont actuellement vaccinés. L’analyse du rapport bénéfice/risque a été réalisée par différentes sociétés savantes internationales dont la plupart insistent sur le bénéfice individuel que la vaccination pourrait apporter en termes de santé mentale, en limitant la nécessité de restrictions d’activité. Le Comité consultatif national d’éthique a donné un avis favorable mais nuancé à cette vaccination en insistant sur l’importance de l’explication et du consentement à obtenir des adolescents. Les cas de myocardites inflammatoires post-vaccinaux décrits en Israël ont été retrouvés de façon exceptionnelle dans les autres pays, et plutôt chez les 20-35 ans ».

  • Tous les territoires d’Outre-mer ont en commun une couverture vaccinale beaucoup trop faible y compris chez les plus fragiles (présentant des comorbidités importantes outre-mer) et les plus âgés.

Un rappel pour les plus de 80 ans et pas seulement aux résidents en EHPAD 

La nécessité d’un rappel sous forme d’une troisième de vaccin semble de plus en plus d’actualité, en particulier dans les populations les plus fragiles. Le Conseil scientifique préconise d’ « anticiper dès maintenant un rappel de vaccination chez les personnes de plus de 80 ans résidant en EHPAD ou à domicile, ainsi que chez les patients immunodéprimés au sens large » ajoutant que « les données et informations anglaises et belges de ces derniers jours laissent entrevoir un risque d’infection symptomatique COVID-19 lié au variant Delta dans cette population, avec des symptomatologies non uniquement respiratoires, mais entrainant une asthénie intense très préjudiciable pour ce profil de patients, même chez des vaccinés avec 2 doses ». Même s’il reconnait que « les données scientifiques pour appuyer cette proposition sont encore limitées, mais compte tenu des premières études montrant une baisse du niveau des anticorps plus précoce dans cette population et l’impact important possible sur le système de soins, cette proposition parait raisonnable ».

Le Conseil scientifique laisse la porte ouverte à la possibilité d’étendre cette « vigilance vaccinale » indiquant que « la stratégie de rappel doit être proposée à tous les français de plus de 80 ans, et pas seulement aux résidents en EHPAD ». Voire même cibler des populations plus jeunes : « il convient en outre d’anticiper que l’on pourrait également évoluer vers un âge plus bas en fonction de la situation » ajoute-t-il.

 
On ne s’affranchira pas de cette pandémie sans que les pays les plus pauvres aient aussi accès à la vaccination.
 

En conclusion, le Conseil scientifique indique que « la temporalité de cette évolution n’est pas connue », mais qu’ « elle se situe probablement à moyen-long terme dans un délai difficile à prédire, tant la situation de la circulation des variants et la vaccination de tous les pays (en particulier à ressources limitées) est encore incertaine ». Il rappelle par ailleurs « qu’on ne s’affranchira pas de cette pandémie sans que les pays les plus pauvres aient aussi accès à la vaccination ».

 

Crédit image : Getty

 

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