SANTÉ - Avant l’épidémie de Covid-19, Valérie Revert était déléguée de prévention au sein de l’Assurance maladie dans la Sarthe. Mais le confinement l’a mise au chômage technique. Depuis le 13 mai, elle travaille à nouveau, mais dans une unité bien particulière, chargée de faire du “contact tracing”. Ici, on ne parle pas d’une application analysant tous vos déplacement, mais d’un travail de fourmis bien humain.
Valérie Revert fait partie des fameuses brigades sanitaires chargées d’empêcher la propagation du coronavirus. Comme 6500 personnes en France (50 rien que dans la Sarthe, département peu touché par l’épidémie), elle s’est portée volontaire pour tenter d’aider à maîtriser la propagation du virus.
“Tous les matins, on se connecte au nouveau logiciel ‘Covid-19’ afin de vérifier les nouveaux patients zéros ainsi que leurs cas contacts”, explique-t-elle au HuffPost. Les premiers sont les personnes ayant été testées positives au coronavirus après avoir consulté un médecin. Les seconds, ce sont les personnes qui ont été en contact rapproché avec le malade pendant plus de 15 minutes sans protection.
C’est alors que le travail d’enquêtrice de Valérie Revert commence. “Par exemple, je vais appeler un patient zéro et retracer son parcours, afin de voir avec qui il a été en contact sans geste barrière”, explique-t-elle. Il faut remonter jusqu’à 48 heures avant le début des symptômes. Car le coronavirus peut se transmettre même quand on a l’impression d’être en bonne santé.
Prendre le virus de vitesse
C’est justement cette propagation présymptomatique qui rend le coronavirus si difficile à endiguer. Et le traçage des contacts si nécessaire. Ces cas contacts sont ensuite rajoutés à la base de données, qui ne contient aucune information médicale, si ce n’est la positivité du test de dépistage.
“Ensuite, il faut appeler tous ces cas contacts pour les prévenir”, raconte Valérie Revert. Potentiellement infectés par le Covid-19 sans le savoir, on leur demande alors de s’isoler pendant 14 jours préventivement et de se faire dépister à leur tour.
“Dans la stratégie de déconfinement, c’est une brique que l’on n’avait pas au début de la crise”, rappelle celui qui pilote cette “plateforme de contact tracing” départementale, Thibaut L’Hermite, directeur des relations avec les professionnels de santé de la Caisse d’assurance maladie de la Sarthe.
“L’avantage de cette phase, c’est que les gens sont isolés immédiatement et s’ils développent des symptômes, redeviennent des patients zéros”, précise-t-il. C’est ainsi qu’il est possible de casser la chaîne de transmission: pas simplement en isolant les symptomatiques, mais en faisant de même avec les personnes qui pourraient répandre le virus sans le savoir.
4000 patients testés positifs et peu de contacts
Pour l’instant, les chiffres sont plutôt enthousiasmants. Pour la première semaine depuis le début du programme, le 13 mai, 4000 patients ont été testés positifs et signalés. En moyenne, ils n’avaient rencontré que 4 cas contacts. “Dans la Sarthe, nous avons eu 40 cas confirmés et 155 cas contacts”, rapporte Thibaut L’Hermite. Pourtant, au début, le responsable avait tablé sur 20 cas contacts en moyenne. “Il y a moins d’activité que prévu, c’est l’effet du confinement”.
Sur les 30 personnes à temps plein en Sarthe, seuls 10 travaillent pour le moment. Reste à voir comment évoluera la situation dans les semaines à venir. En attendant, tout semble plutôt bien se passer et la mission de ces enquêteurs a l’air bien accepté. Si Valérie Revert craignait d’être mal reçue, ses doutes sont pour l’instant dissipés.
“Les gens sont très compréhensifs, ils ont entendu que l’assurance maladie allait les appeler, et le médecin généraliste prévient souvent de cet appel, je n’ai eu que de bons résultats pour l’instant”, raconte-t-elle. Évidemment, si elle rencontre un problème, elle a été formée et sait quoi faire: alerter le service médical, branche à part de l’organisation. C’est ensuite un médecin qui prendra le relais. “On nous a aussi expliqué comment se comporter dans le domaine humain, l’empathie à mettre en place”, précise Valérie Revert.
Cette formation a eu lieu en à peine une dizaine de jours. Elle qui travaille pour l’Assurance maladie depuis 18 ans est impressionnée. “C’est inédit d’avoir mis cela en place aussi vite, tout le monde était au rendez-vous, même le logiciel est très facile à prendre en main”, précise l’enquêtrice. “On a eu 10 jours pour monter ce projet. D’habitude, cela se met en place en 3 ou 4 mois”, rappelle fièrement Thibaut L’Hermite.
Trouver l’aiguille dans la botte de foin
En moyenne, l’appel d’un patient zéro prend une bonne demi-heure. Pour les cas contacts, c’est un peu plus rapide. En 4 heures, l’enquêtrice passe une dizaine d’appels. Souvent, les cas contacts sont avant tout familiaux. Mais c’est justement le travail de ces brigades de s’assurer de trouver l’aiguille dans la botte de foin.
Valérie Revert se souvient d’une patiente zéro confinée avec 10 personnes. “Au fil de la conversation, j’ai pensé à lui demander si elle avait vu une sage femme. C’était le cas alors qu’elle ne l’avait pas du tout mentionné lors de sa consultation médicale”, raconte-t-elle. Si l’enquêtrice a posé cette question, c’est parce qu’elle savait que la patiente était enceinte.
Comment? “Avant de commencer les conversations, j’aime bien vérifier les données dans notre fichier de l’Assurance maladie”, explique-t-elle. Cette base de données préexistante recense d’autres informations que celles dédiées au Covid-19, par exemple le ticket modérateur qui permet de connaître le taux de remboursement de l’assuré.
En vérifiant cela, Valérie Revert a pu se rendre compte que la patiente était enceinte, ce qui l’a poussée à poser la question de la sage femme. “C’est notre travail d’enquêteur de révéler cela”, affirme-t-elle.
Les cas particuliers
Quant à la question d’un risque sur la vie privée, elle ne voit pas le problème. “Je peux comprendre la polémique d’un point de vue extérieur, mais nous traitons d’habitude ces données en tant qu’Assurance maladie”, précise l’enquêtrice. “Nous avons à la sécurité sociale une déontologie et sommes soumis au secret professionnel”, rappelle Thibaut L’Hermite.
Enfin, il y a les cas plus particuliers. “Pour certaines structures, comme les écoles, hôpitaux et grandes entreprises, il y a des consignes particulières, explique le directeur. Si un patient de zéro est concerné, c’est l’Agence régionale de santé (ARS) qui prend le relais. Elle va identifier plus en détail les risques et décider, en fonction, de fermer l’établissement, d’organiser un dépistage massif, etc. Comme ce qu’il s’est passé avec différents abattoirs récemment.
Au début de l’épidémie fin février, ce “contact tracing” existait déjà à échelle réduite et était justement réalisé par les ARS. Mais les moyens humains étaient bien moins importants et le coronavirus nous a submergé. Reste maintenant à voir si ces milliers d’enquêteurs vont réussir à empêcher le retour de l’épidémie dans les semaines et mois à venir.
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