La légendaire bolsa (pour Bolsa familia), qui aurait permis à 28 millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté, pourrait bientôt appartenir à l’histoire ancienne. Ce programme social, créé en 2004 et emblématique des années Lula, demeure un pilier du système de redistribution de richesses du pays. Aujourd’hui, ils sont 43,7 millions à en bénéficier (soit un habitant sur cinq), touchant en moyenne 168,75 reais mensuels (environ 26 euros). Du moins pour le moment, car le pouvoir d’extrême droite en place à Brasilia souhaite en finir au plus vite avec ce symbole de la gauche du Parti des travailleurs (PT), et lui substituer un nouveau programme social estampillé Jair Bolsonaro.
L’idée d’origine ? Remplacer la Bolsa par une très patriotique Renda Brasil (« revenu Brésil »), en lui adjoignant plusieurs autres aides sociales existantes et en augmentant son budget de 30 milliards de reais. La mesure permettrait aux plus modestes de faire face à la crise économique engendrée par le Covid-19, et prendrait le relais de l’aide d’urgence mensuelle de 300 reais versée depuis le début de l’épidémie par le gouvernement à plus de 53 millions de citoyens en situation précaire.
Le Fonds monétaire international prévoit une contraction du produit intérieur brut de 5,8 % pour 2020, et la dette devrait dépasser les 95 % du PIB d’ici à fin décembre
Toutefois, le projet a vite déraillé, victime du chaos inhérent au pouvoir bolsonariste, mais aussi des normes ultrarigides régissant les finances nationales. Au Brésil, les comptes publics sont soumis depuis 2016 à une « règle d’or », imposant pour vingt ans un strict gel des dépenses de l’Etat. Pour ne rien arranger, l’économie va au plus mal et les finances sont à sec. Le Fonds monétaire international prévoit une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 5,8 % pour 2020, et la dette devrait dépasser les 95 % du PIB d’ici à fin décembre.
« Démontrer que le Brésil est un pays fiable »
Dès lors, la quête des deniers nécessaires au financement du « revenu Brésil » s’est muée en calvaire pour le ministre de l’économie, Paulo Guedes, ultralibéral et hostile aux politiques « assistancialistes ». Mi-septembre, la presse a rapporté que son équipe étudiait la possibilité de geler pour deux ans les pensions des retraités. La mesure, très impopulaire, a aussitôt déclenché une levée de boucliers.
Jair Bolsonaro a senti venir le danger. Le 15 septembre, il a fait part de son opposition sur les réseaux sociaux. « Si par hasard quelqu’un venait me proposer quelque chose de ce genre, je lui donnerais un carton rouge ! », a expliqué le président, furieux, visant explicitement son propre ministre de l’économie. « Jusqu’en 2022, au gouvernement, il sera interdit de prononcer les mots “Renda Brasil”. Nous allons continuer avec la Bolsa familia, point final ! », a-t-il conclu.
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