StopCovid : à quoi va ressembler la facture de l’appli anti-épidémie ?

Développée gratuitement avec l’aide de grandes entreprises, l’application de traçage numérique représente un coût encore flou quant à la maintenance et au stockage des données récoltées. Décryptage.

 L’application StopCovid avait été téléchargée par 1,3 million de Français ce lundi.
L’application StopCovid avait été téléchargée par 1,3 million de Français ce lundi. LP/Arnaud Journois

    Gratuite à créer et à télécharger puis… un peu plus onéreuse à entretenir. Installée et activée par au moins 1,3 million de Français au dernier comptage, l'application de traçage numérique StopCovid dispose d'un coût de fonctionnement et de maintenance incompressible. Sans préjuger de son impact dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19, combien coûtera-t-elle à l'Etat et aux contribuables?

    Citant une source proche des tractations entre l'Etat et ses prestataires, le Nouvel Obs é voquait la semaine dernière une facture mensuelle « « de l'ordre de 200 000 à 300 000 euros ». Contacté ce lundi par Le Parisien-Aujourd'hui-en-France, le secrétariat d'État chargé du Numérique évoque plutôt un budget de fonctionnement de 100 000 euros mensuels et promet « de faire bientôt toute la transparence sur les contrats liés à l'application ».

    « Cela peut paraître cher mais quand on regarde le coût/efficacité d'autre plateforme gouvernementale, comme Tabac-info-service, cela semble en fait plutôt raisonnable », relativise le patron d'une start-up strasbourgeoise bien au fait des tarifs du secteur.

    Un développement gratuit

    Regardons de plus près le coût de l'application depuis sa conception par les services spécialisés de l'Etat, avec l'aide technique d'instituts de recherche et d'entreprises privées.

    Développées pendant six semaines, les applications sur iOS et Android n'ont coûté pendant leur gestation que « quelques milliers d'euros par mois », selon les déclarations du Secrétaire d'Etat au numérique devant la Commission des lois du Sénat fin mai.

    Le paquebot StopCovid embarquait des poids lourds nationaux de l'informatique comme CapGemini ou Orange mais aussi une PME de développement d'applications, Lunabee Studio. Toutes contribuaient à titre gracieux à l'émergence express d'une application de traçage numérique souveraine avec la perspective d'enregistrer un nouveau client.

    Un contrat avec l'administration

    Cédric O précisait d'ailleurs quelques jours avant son lancement officiel qu'« à partir de maintenant, les entreprises qui s'impliquent dans ce projet seront rémunérées ».

    PODCAST. StopCovid : pourquoi l'application de traçage du coronavirus arrive aussi tard

    Interrogé sur le coût de l'application, Cédric O avait insisté : « Les négociations avec les entreprises concernées ne sont pas achevées. Mais je peux néanmoins vous rassurer sur le montant global de l'opération : quelques centaines de milliers d'euros, au maximum par mois ». Comment cette facture se décompose-t-elle ?

    Tout d'abord, le stockage centralisé des données collectées se fait normalement à un prix dérisoire. La solution retenue passe par les serveurs sécurisés de Outscale, filiale « cloud » de Dassault Systèmes, et hébergeur de données de santé certifié par l'Agence du Numérique en Santé. Ces données chiffrées, inutiles si un utilisateur ou ses proches ne sont pas contaminés, sont conservées au moins 14 jours puis effacées.

    « Il faut compter quelques milliers d'euros par mois car une telle application va générer 1 à 2 To de données chiffrées. Leurs stockages sont facturés aux prix actuels du marché, soit 2 à 3 centimes d'euro par Go », calcule Arnaud de Bermingham, le patron de Scaleway, une grande entreprise du « cloud ».

    Un surcoût pour les mises à jour

    Le coût facturé à l'Etat pour la sécurisation du serveur et de l'application reste, lui, un sérieux point d'interrogation mais représente, selon le secrétariat d'Etat au Numérique, une part prépondérante de la facture.

    Un autre poste de dépense important se concentre sur la correction des bugs, les mises à jour et surtout l'ajout de fonctionnalités dans les deux StopCovid pour iPhone et smartphones sous Android. En résumé, c'est un peu comme un jeu en « freemium » : les parties de base sont gratuites mais les options avancées se monnaient.

    La start-up savoyarde Lunabee Studio avait impliqué dans le projet initial une équipe de 7 développeurs qui ont oeuvré gratuitement. Cependant, la mise à jour des applications implique de mobiliser des spécialistes dans un secteur où une concurrence féroce fait flamber les prix.

    Les tarifs pour un bon développeur fluctuent entre 350 et 600 euros par jour, d'après les trois entrepreneurs de la French Tech que nous avons consultés. Même avec une jolie ristourne, la facture mensuelle pour l'administration s'alourdit aisément.

    Et tout cela pendant combien de temps ? Selon les autorités, l'application StopCovid sera utilisée aussi longtemps que le virus circule. Elle pourrait surtout être utile en cas de seconde vague, même dans 6 mois. A condition, évidemment, de la maintenir en état de fonctionnement.