EPIDEMIEPeut-on s'inspirer des pays en déconfinement pour réussir le nôtre ?

Coronavirus : Peut-on s'inspirer des pays en déconfinement pour réussir le nôtre ?

EPIDEMIELes pays qui déconfinent avant la France, comme la Grande-Bretagne, la Grèce ou le Portugal, peuvent-ils nous servir de laboratoire pour tirer des leçons à appliquer à notre propre déconfinement ?
Un pub ouvert au Royaume-Uni ce lundi, avec déjà ses premiers clients
Un pub ouvert au Royaume-Uni ce lundi, avec déjà ses premiers clients - Niklas HALLE'N / AFP / AFP
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Ce lundi, les Britanniques voient la réouverture des terrasses, des magasins non-essentiels et des coiffeurs.
  • Un déconfinement en avance sur le nôtre, qui pourrait donner à la France l’envie d’observer ce qui se passe outre-manche pour en tirer des leçons.
  • Mais la comparaison entre nations, si elle a ses vertus, présente vite quelques limites.

Ce lundi, le Royaume-Uni poursuit son déconfinement et rouvre notamment ses terrasses. Un nouveau coup dur pour nous autres mangeurs de grenouilles qui attendons de l’autre côté de la Manche la possible mais encore très incertaine levée de restrictions. Mais si au lieu de jalouser les Britanniques, nous nous servions du Royaume-Uni comme d’une sorte de laboratoire de déconfinement pour réussir le nôtre ?

En France, les premières mesures seront levées au mieux début mai, et les terrasses des bars et les restaurants pourraient rouvrir au plus tôt vers le 15 mai. Ce qui nous laisse respectivement trois et cinq semaines pour zieuter le Royaume-Uni et apprendre de leurs erreurs et voir ce qui fonctionne.

Observer mais pas mimer

Le Royaume-Uni n’est pas le premier pays à accélérer son déconfinement. Si on peut exclure les comparaisons avec Israël – trop avancé dans la vaccination pour servir d’exemple à la France –, Paris pourrait en revanche s’inspirer également du Portugal ou de la Grèce, qui ont eux aussi amorcé le processus de réouverture.

« Le virus contient encore tellement d’inconnu et reste si imprévisible que chaque pays essaie de voir ce que font les autres à chaque fois pour s’inspirer de ce qui se fait ou ne se fait pas », soulève Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, think thank européen. Néanmoins, l’observation a ses limites et mène rarement au mimétisme, chaque Etat réagissant en fonction de critères et de dirigeants qui lui sont propres. L’experte prend en exemple les différences dans la gestion de la première vague, entre une Suède sans confinement, un confinement très souple pour les Allemands, strict pour les Espagnols et les Italiens et strict avec attestation en prime pour les Français (petits veinards que nous sommes).

La tentation de la « souveraineté sanitaire »

De telles divergences s’expliquent par une volonté nette et assumée de trouver sa propre voie et ses solutions nationales. Anne Sénéquier, médecin et codirectrice de l’Observatoire de la santé mondiale, note ainsi la tentation pour chaque pays d’avoir sa « souveraineté sanitaire » et de revendiquer de ne pas faire comme tout le monde : « Cela a pu conduire à des décisions très contestables sanitairement, comme le maintien des écoles en France, le non-confinement en Suède ou l’ouverture des restaurants en Espagne. Chaque pays défendant son exception pour se justifier. »

Une tendance qui tend toutefois à régresser par rapport au début de la crise, lorsqu’on regardait les Italiens de haut avant de nous confiner à notre tour. « On a toujours été dans l’observation, mais désormais on essaie d’être plus dans l’anticipation et d’éviter de faire les erreurs des voisins, au lieu d’être surconfiants et de se dire que ça ne nous arrivera pas. On s’améliore petit à petit », observe Anne Sénéquier.

Les limites de l’inspiration

Forts de ces progrès, peut-on alors s’inspirer des déconfinement britannique, portugais ou grec pour réussir le nôtre ? Pas si vite. « Le déconfinement du Royaume-Uni se déroule par étape jusqu’au 21 juin, rappelle Pascale Joannin. C’est à ce moment-là qu’on saura s’il est un succès ou non. Et évidemment, on ne peut pas attendre tout ce temps pour faire le nôtre. »

Or, à un mois du début de notre déconfinement (on espère), il sera difficile de mesurer l'effet des premières mesures britanniques, portugaises ou grecques. « Il faut trois semaines à un mois pour qu’une hausse de cas se voie dans les hospitalisations et les réanimations. Quand on devra trancher nous sur la réouverture des terrasses, ce n’est pas sûr qu’on sache vraiment les conséquences que cela a eu chez nos voisins », appuie Anne Sénéquier.

Comparaison n’est pas raison

Et même si on retardait l’échéance de six mois, il serait difficile de totalement s’inspirer des l’expérience de nos voisins, chaque pays ayant ses propres spécificités. L’incidence, l’âge de la population, le taux de vaccination, les potentiels clusters, etc... ne seront jamais les mêmes entre deux nations. Sans compter les autres variables non-sanitaires.

« Il y a une multitude d’autres facteurs. La Grèce rouvre car le tourisme représente un tiers de son PIB, contre 9 % pour la France. Les logiques ne seront jamais les mêmes », explique Anne Sénéquier. On peut donc continuer à regarder les Britanniques siffler des bières en rageant, il n’y aura pas forcément de leçon à en tirer.

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