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Coût social du bruit : les transports tiennent toujours le haut du pavé

La première source de bruit, en matière d’exposition aux nuisances sonores et de conséquences économiques, reste le transport, notamment routier qui représente à lui seul la moitié du coût social global, selon la dernière étude présentée conjointement, ce 22 juillet, par le Centre national du bruit et l’Ademe. Assez loin derrière figurent le bruit du voisinage, généré par les chantiers ou la proximité d’un bar, et les nuisances sonores au sein des milieux professionnel, scolaire ou hospitalier.

Près de 156 milliards d’euros par an, c’est la dernière estimation du coût social du bruit en France, selon une étude actualisée présentée à la presse ce 22 juillet par Laurianne Rossi, la présidente du Conseil national du bruit (CNB), députée des Hauts-de-Seine, et l’Agence de la Transition écologique (Ademe), et réalisée par le groupement de prestataires I-Care & Consult et Energies Demain. C’est quasiment le triple du coût évalué à 57 milliards d'euros par an lors de la précédente étude en 2016 (+98,3 milliards d’euros/an). Une hausse spectaculaire qui s’explique par des méthodes d’évaluation plus affinées permettant notamment d’en élargir le périmètre à davantage de sources de bruit (chantiers et milieu hospitalier) et à de nouveaux effets sanitaires (obésité, hypertension, santé mentale, diabète etc.) mais aussi bel et bien par une augmentation des populations exposées. Alors que 25 millions de Français sont concernés par la pollution sonore, 9 millions d’entre eux seraient ainsi surexposés, c’est-à-dire confrontés à des niveaux de bruit supérieurs aux seuils autorisés. En 2018, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), classait le bruit au second rang des facteurs environnementaux provoquant le plus de dommages sanitaires en Europe, juste derrière la pollution atmosphérique. Il s’agit d’un "enjeu de santé publique majeur", a martelé, la présidente du CNB, pour inciter les décideurs publics à prendre des mesures à la hauteur, regrettant qu’il soit "insuffisamment pris en compte, pas autant que ne l’est la pollution de l’air et pourtant c’est le même combat". "Pollution sonore et pollution de l’air obéissent souvent à de mêmes actions qui ne sont pas toujours couplées ou engagées simultanément", a-t-elle relevé. A cet égard, l’étude illustre toute la pertinence des mesures d’évitement du bruit lorsque les solutions mises en œuvre présentent des co-bénéfices avec d’autres enjeux écologiques, en particulier la pollution atmosphérique. 

Prépondérance des coûts sanitaires non marchands 

Les évaluations ont été faites en tenant compte de plusieurs types de coûts. Tout d’abord des coûts sanitaires qui regroupent à la fois des coûts marchands "tangibles" (indemnisation des maladies et accidents professionnels, hospitalisation et médication) et des coûts non marchands, plus insidieux, estimés par la valorisation des années de vie en bonne santé perdues du fait de la gêne, des perturbations du sommeil, des maladies cardiovasculaires, de l’obésité, des troubles de santé mentale et des difficultés d’apprentissage. Ces derniers d’un montant de 134,3 milliards d’euros/an représentent la majeure partie du coût social du bruit (86%). L’étude intègre également des coûts non sanitaires, à savoir les impacts économiques directs du bruit comme les pertes de productivité et la dépréciation immobilière liées aux expositions au bruit. 

Transport routier en tête

Les transports représentent à eux seuls les 2/3 du coût social (68,4%), pour un coût annuel total de 106,4 milliards d’euros et plus de la moitié pour le trafic routier (51,8%, soit 80,6 milliards d'euros/an), suivi du bruit aérien (9,4%) et du bruit ferroviaire (7,2%), soit 14,6 milliards et 11,2 milliards d’euros respectivement. Les nuisances sonores liées aux transports sont aussi parmi les mieux documentées et le chiffrage plus robuste. Par rapport à l’étude de 2016, des données plus complètes issues des cartes de bruit publiées entre 2017 et 2020, au titre de la 3e échéance de la directive 2002/49/C ont ainsi pu être valorisées. Une partie non négligeable du coût social du bruit provient du voisinage : 26,3 milliards d’euros/an, soit environ 17%, dont 11% pour les seuls bruits des particuliers, 3,4% pour le bruit des chantiers et 2,1% pour le bruit généré dans l’environnement par les activités commerciales ou de loisirs. Contrairement aux bruits des transports, il existe très peu de données chiffrées. L’incertitude liée à cette estimation est par conséquent "élevée" et devrait conduire à une réévaluation avec l’évolution des connaissances sur le sujet. Enfin, la troisième famille regroupe le bruit dans le milieu du travail qui représente tout de même 14% du coût total, pour un montant annuel d’environ 21 milliards d’euros. Le coût social du bruit en milieu scolaire (1,3 milliard d’euros), est très certainement sous-estimé, reconnaît l'étude, "de nombreux impacts sur les élèves et enseignants étant complexes à modéliser". Il en va de même en ce qui concerne le bruit en milieu hospitalier (64 millions d’euros), là encore "du fait du manque de données existantes et des hypothèses arbitraires qui ont été formulées". 

Quatre mesures phares à co-bénéfices Air-Bruit

Une partie des actions correctives peuvent être recherchées aussi bien du côté de la gestion des sources de bruit incriminées que du côté de l’amélioration acoustique de l’isolement des bâtiments vis-à-vis des bruits provenant des voisins comme de ceux provenant des transports. Le CNB a d’ailleurs plaidé en vain dans le cadre du projet de loi Climat et Résilience pour un meilleur couplage des aides pour la rénovation thermique et acoustique des logements. Dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (LOM) des avancées concrètes avaient été actées. L’expérimentation du contrôle automatique des niveaux d’émissions sonores des véhicules par des radars acoustiques est ainsi en cours dans plusieurs villes.
L’étude se focalise toutefois sur les convergences potentielles et les co-bénéfices associés de mesures d’évitement simultané du bruit et de la pollution de l’air. Quatre exemples de mesures y sont analysées. Leur mérite est d’offrir des ratios bénéfices/coûts très intéressants. C’est le cas de la réduction des vitesses de 10km/h sur les voies rapides basée sur l’expérience des deux agglomérations de Lyon et de Grenoble et le périphérique toulousain. L’étude évoque également le développement des "zones à faibles émissions" et "sonores" en s’appuyant sur la métropole du Grand Paris, l’amélioration de la qualité acoustique des bâtiments scolaires et l’application d’une charte "chantier propre" déjà développée par certaines villes et agglomérations et associant couramment objectifs de limitation de la pollution de l’air et de diminution du bruit.
L’étude a vocation a être déclinée au niveau régional. Bruitparif devrait ainsi en dévoiler les résultats en septembre. Le même exercice sera réalisé dans les autres métropoles françaises. 

 

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