Nicolas Théry : "Si ces gens-là [commerçants, artisans] font faillite, nous aurons tous un problème collectif"

Nicolas Théry ©AFP - Eric Piermont
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Nicolas Théry, président du Crédit Mutuel Alliance Fédérale, est l'invité de Léa Salamé à 7h50. Il évoque le choix de sa société d'indemniser les petites et moyennes entreprises ayant souscrit un contrat, même si celui-ci ne prévoit pas le cas de la pandémie.

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  • Nicolas Théry Président du Crédit Mutuel Alliance Fédérale

"On a une responsabilité morale", explique Nicolas Théry. "Notre initiative, c’est de dire : sortons des débats théologiques, on agit et surtout on agit vite. On a créé une prime de relance mutualiste pour ça, pour les restaurateurs, les fleuristes, les esthéticiennes, les boulangers, nos assurés qui, en bonne foi, ont souscrit un contrat perte d’exploitation. Nous, on leur dit : OK, on ne va pas ergoter sur le droit, on agit."

"Accompagner les clients pour qu'ils réussissent à moyen terme"

Pourtant les pandémies ne sont pas prévues dans la plupart des contrats d’assurances. Mais pour le patron du Crédit Mutuel, "la priorité d’un banquier, c’est de préparer le moyen terme, d’accompagner ses clients pour qu’ils réussissent à moyen terme. Si on ergote pendant six mois, le client a disparu et à la fin tout le monde sera perdant. Nous, notre priorité c’est de dire : à partir de début mai, tous ces clients qui ont souscrit un contrat perte d’exploitation peuvent nous appeler, et on couvrira une sorte de moyenne de leur perte de revenus sur deux mois de confinement. Et on leur donne le virement toute de suite pour qu’ils redémarrent."

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"L’enjeu c’est de préparer l’avenir avec eux : si ces gens-là font faillite, nous aurons tous un problème collectif. Aujourd’hui, c’est le problème collectif qui vaut. Je pense que le secteur peut le faire, même si on peut trouver des barrières et des limites."

"Le commerce de proximité, les artisans, tout ce tissu économique fondamental qui est autour de nous, on doit le préserver, c’est une mission fondamentale. C’est pour ça qu’on s’engage auprès d’eux." Quelles sont les conditions pour en bénéficier ? "Avoir un contrat, nous donner le chiffre d’affaires réalisé dans la dernière année, et on applique ce taux de marge, de revenus moyens."

"On investit pour nos clients, comme eux investissent pour nous"

Cette prime est chiffrée à 200 millions d’euros, comment la financer ? "On a fait des réserves les années précédentes justement pour ces heures difficiles. Pour tout vous dire, ça fait 75 ans de cotisations. On investit pour nos clients, comme eux investissent pour nous quand ils nous versent des primes."

Côté banque, combien de prêts garantis par l'État ont été accordés par le Crédit Mutuel ? "Plus de 50.000 prêts, soit 10 milliards d’euros", chiffre Nicolas Théry. "On a un taux de refus qui est inférieur à 4 %, et ces refus sont systématiquement pour des entreprises qui étaient déjà en situation compromise avant la crise. Le prêt garanti par l’État est accordé automatiquement à toutes les entreprises qui sont touchées par la crise sanitaire. Toute la profession bancaire a été, de mon point de vue, exemplaire là-dessus."

A-t--il été agacé par les propos d'Emmanuel Macron sur les banquiers et assurent qui ne "jouaient pas le jeu" ? "Quelquefois il y a des petites facilités politiques, la dénonciation des banquiers et assureurs en fait partie. Je crois que ce qui compte ce sont les actes."

"Les États ont démontré leur importance, démontré qu’ils étaient fondamentaux"

Nicolas Théry signe également une tribune avec l’économiste Daniel Cohen sur la question de la dette des États, pourquoi ? "Notre idée, c’est de dire : les États ont démontré leur importance, démontré qu’ils étaient fondamentaux dans leurs missions pour l’hôpital, pour l’éducation, pour le revenu universel, pour le climat. L’idée c’est que les États financent cette dette à très long terme, que la Banque centrale achète cette dette et la porte sur le très long terme, et qu’ensuite une fois que l’inflation aura mangé une bonne partie de cette dette, on pourra la rembourser."

"Le réchauffement, c’est la crise toute l’année", rappelle le dirigeant. "On est en train de subir une crise sanitaire de première ampleur, surtout n’oublions pas que nous avons une autre crise qui se dessine. La pollution de l’air, c’est 48.000 morts par an : où est la mobilisation pour ça ? Je pense qu’on peut inventer de nouvelles formes d’action, et les banques doivent jouer leur rôle."

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