La place des piétons dans le Grand Paris

Depuis une dizaine d’années, les promenades urbaines sont en plein essor, portées notamment par des associations comme A Travers Paris ou le Voyage métropolitain. En 2018, Enlarge Your Paris a initié avec la Société du Grand Paris une série de balades le long des tracés des futures lignes du Grand Paris Express. Sennse s’intéresse aujourd’hui à ce retour au pas de course de la marche dans nos villes.

Des piétons en force face à un urbanisme qui les avait (un peu) oubliés

Depuis le déconfinement post COVID-19, on a osé penser des aménagements provisoires pour faire plus de place aux piétons, en rognant sur la place de la voiture. Le CEREMA, centre d’études lié aux ministères des Transports et de l’Ecologie, a même appelé à « dimensionner plus généreusement les espaces dédiés aux piétons » et à « faire de la marche la nouvelle « petite reine » des déplacements ». On a aussi pu lire dans la presse de nombreux éditoriaux rappelant les vertus de la marche, présentée comme une solution à bas coût face à la saturation des transports en commun. C’est aussi un moyen efficace de lutter contre les effets sanitaires de vies ultra-sédentaires et qui permet de se déplacer sans produire de CO2. Autre avantage, plus social : la marche est gratuite, et donc accessible à tous les valides.

Cela étant, les piétons citadins peuvent rencontrer quelques embuches. Par exemple, en ville, la signalétique a été pensée pour les voitures et non pour les piétons. Toujours dominé par la voiture, l’espace public est rythmé par la vitesse de ce mode de déplacement, pas par celui d’une autre mobilité. On le remarque par exemple lorsque l’on marche Place de la Concorde ou Place de l’Etoile.

Il n’en reste pas moins que Paris reste un paradis pour les piétons par contraste à la situation de certains territoires de banlieue, marqués par l’héritage industriel du XIXe siècle et celui du tout automobile du XXe siècle. C’est en banlieue que se trouvent toutes les grandes infrastructures urbaines qui dessinent la métropole parisienne : autoroutes, voies ferrées, aéroports, cimetières, zones logistiques et commerciales, ports, cimenteries, déchetteries, centres d’incinération des ordures et de traitement des eaux… Le périphérique, grand marqueur de la limite entre la ville centre et sa banlieue (sa proche couronne) en est même un symbole criant !

En tentant de parcourir les routes du Grand Paris et d’Île-de-France on pourrait se questionner pour savoir s’il n’y a pas de piétons à cause de l’absence d’aménagements dédiés ou si l’absence d’aménagements est justifiée par l’absence de piétons ?

Et du côté des chemins ruraux ?

Les chemins ruraux constituent d’abord l’héritage d’une pays qui était il y a deux générations largement agricole, et où l’on pouvait cheminer d’un village à l’autre à travers champs. Aujourd’hui prisés le week-end par les joggeurs, les randonneurs et les familles, ils servent aussi en semaine de pistes cyclables permettant aux habitants de rejoindre les commerces de la commune voisine ou la gare la plus proche sans prendre la voiture. Pourtant, il n’existe aucune carte régionale (ni nationale) de ces chemins ruraux, et nombre d’entre eux sont détruits chaque année en Île-de-France, avalés par des lotissements ou par des exploitants agricoles. Or, dans la perspective de la transition climatique et de la « décarbonation » de la mobilité, ces chemins « déjà-là » ne représentent-ils pas un atout important ?

Quand l’écologie s’en mêle

Promouvoir le déplacement des piétons nécessite de regarder autrement l’espace urbain et périurbain en réduisant la pollution et le bruit, en améliorant la qualité des trottoirs et en les végétalisant pour rendre supportables ces étés, voire ces printemps, de plus en plus chauds. Il s’agirait aussi de sécuriser ou de rendre plus « urbains » certains lieux – avec de l’éclairage, de la signalétique – pour que tous et toutes puissent s’y déplacer sereinement. Pour favoriser les mobilités piétonnes en banlieue, les enjeux sont multiples, les difficultés également, ce qui nécessitera sans doute que les habitants s’en mêlent et réclament des engagements à la hauteur des impératifs sociaux, économiques et écologiques associés à la marche.

Le Grand Paris comme lueur d’espoir

Les années 2020 vont voir se développer dans le Grand Paris et en Île-de-France des projets urbains et de transport qui seront autant d’occasions de repenser la place des piétons : construction du réseau du Grand Paris Express, déploiement d’un RER Vélo à l’échelle francilienne, développement de la ligne E du RER vers Mantes-la-Jolie (Yvelines) et modernisation du réseau des transports en commun régional. Sans oublier les Jeux olympiques qui se dérouleront largement en Seine-Saint-Denis, parfois en lisière des fameuses « propriétés de Lucifer », ces lieux synonymes de nuisances (aéroports, voies ferrées, autoroutes, zones industrielles, cimetières, grands ensembles dégradés), qui témoignent des zones d’ombre du Grand Paris.

Une partie de l’héritage des JO réside peut-être dans la place qui sera faite aux piétons à travers les aménagements qui seront engagés ?

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