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L'individualisation de l'allocation adulte handicapé examinée au Sénat malgré l'opposition du gouvernement

Les sénateurs se penchent ce mardi sur une proposition de loi visant à changer le calcul de l'Allocation adulte handicapé pour la rendre indépendante des revenus du conjoint. Déjà voté en première lecture à l'Assemblée nationale il y a plus d'un an, ce texte est fortement défendu par les associations. Le gouvernement continue de s'y opposer.

D'un montant maximum de 900 euros mensuels, l'AAH compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires
D'un montant maximum de 900 euros mensuels, l'AAH compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires (Shutterstock)

Par Les Echos

Publié le 9 mars 2021 à 14:11

Malgré l'opposition du gouvernement, le Sénat s'apprête à faire avancer la désolidarisation de l'allocation adulte handicapé (AAH) des revenus du conjoint. Défendue fermement par les associations de défenses des droits des personnes handicapées et des associations féministes, cette revendication a fait l'objet d'une pétition sur le site du Sénat. Celle-ci est la toute première à avoir dépassé les 100.000 signatures, soit le seuil conditionnant la possibilité d'une inscription à l'ordre du jour de la chambre haute.

C'est un texte au « parcours atypique » qui est examiné dans l'hémicycle ce mardi, reconnaît la présidente de la commission des Affaires sociales du Sénat, Catherine Deroche (LR). La proposition de loi des députés Libertés et Territoires, reprise par la commission des Affaires sociales du Sénat la semaine dernière, a en effet déjà été votée en première lecture à l'Assemblée nationale en février 2020, contre l'avis du gouvernement et de la majorité. Elle porte « diverses mesures de justice sociale », dont l'individualisation de l'AAH.

L'AAH « a toujours eu un caractère hybride, entre minimum social et prestation de compensation », souligne le rapporteur du texte Philippe Mouiller (LR). En commission, les sénateurs ont « choisi de trancher » en faveur de la seconde option, en acceptant la « déconjugalisation » du calcul de l'AAH. Ils ont toutefois modifié la rédaction des députés pour réintroduire le plafonnement du cumul de l'allocation avec les ressources propres du bénéficiaire.

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Un coût évalué à 560 millions d'euros par an

Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler. Elle est versée sur critères médicaux et sociaux. D'un montant maximum de 900 euros mensuels, elle compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270.000 sont en couple. Cela représente une dépense annuelle d'environ 11 milliards d'euros pour le budget de l'Etat.

Actuellement, l'AAH n'est plus versée à la personne handicapée en couple lorsque les revenus du couple dépassent un certain seuil. Elle doit alors « se tourner systématiquement vers son conjoint pour demander tous les financements de sa vie quotidienne », souligne Véronique Marie-Bernadette Tixier, à l'origine de la pétition. « Les personnes handicapées doivent pouvoir être indépendantes financièrement », a également plaidé la Défenseure des droits Claire Hédon.

Malgré cette pétition, le gouvernement est resté opposé à une désolidarisation de l'AAH. Lors de son audition au Sénat, la secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, Sophie Cluzel, a ainsi estimé qu'il était « légitime de tenir compte de l'ensemble des ressources du foyer des bénéficiaires » d'une allocation car « la solidarité nationale ne saurait être pensée en dehors de toute autre forme de solidarité ».

Le dispositif ainsi réécrit aurait un coût évalué à 560 millions d'euros par an, selon Philippe Mouiller, contre 20 milliards dans la version votée par les députés. Pour le rapporteur, cela reste « une somme conséquente, mais tout à fait supportable au regard de l'enjeu ».

Il a également prévu « un mécanisme transitoire » de dix ans, pour permettre aux bénéficiaires de l'AAH qui seraient perdants de conserver le mode de calcul actuel. Selon des estimations des ministères sociaux, la déconjugalisation de l'AAH ferait 44.000 ménages perdants, contre 196.000 qui y gagneraient, a-t-il précisé.

Le texte retournera en deuxième lecture à l'Assemblée nationale

En 2018, le Sénat s'était opposé à une proposition de loi du groupe CRCE à majorité communiste visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH. « Il a fallu beaucoup de déception et de colère chez les personnes porteuses de handicap » pour que la position du Sénat évolue, a déclaré son auteure Laurence Cohen, regrettant « le temps perdu ». Après avoir salué un texte « allant dans le bon sens », elle s'est néanmoins montrée inquiète quant à son avenir incertain.

Le texte devra en effet retourner à l'Assemblée nationale. En première lecture, il avait été adopté par 44 voix contre 31, « marcheurs » et MoDem ayant été mis en minorité au moment du vote. Philippe Mouiller a indiqué être « en discussion » pour voir quel groupe politique pourrait le reprendre en deuxième lecture, tablant « en parallèle sur un élan de mobilisation des associations ».

Avec AFP

Les Echos

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