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Quelle place pour l’Europe sociale dans le Plan de relance ?

Pour surmonter les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, l’Union européenne a mis en place un plan de relance inédit de 750 milliards d’euros. S’il met l’accent sur les transitions écologique et numérique, il accorde également une place à des ambitions sociales.

Les jeunes ont tout particulièrement été impactés par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19
Les jeunes ont tout particulièrement été impactés par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 - Crédits : monkeybusinessimages / iStock

Les conséquences de la pandémie de Covid-19, qui frappe l’Europe depuis le printemps 2020, ne sont pas seulement sanitaires, avec un bilan humain qui s’alourdit chaque jour malgré la campagne de vaccination, mais également économiques et sociales. Selon Eurostat, l’Union européenne comptait 16 millions de chômeurs au mois de décembre 2020, soit 2 millions de plus qu’au mois de février de la même année.

Aux premiers temps de la crise, et ne disposant que d’une compétence partagée en matière sociale, l’Union européenne est d’abord intervenue via les initiatives d’investissement de réponse au coronavirus, pour faciliter l’utilisation des fonds européens (CRII et CRII+). Puis, elle a mis en place un mécanisme européen de réassurance chômage (SURE), permettant de financer les mesures de chômage partiel instaurées dans certains États membres et a levé les règles budgétaires (déficit limité à 3 % du Produit intérieur brut et dette publique à 60 %) pour donner plus de marge de manœuvre aux gouvernements.

Après la réponse d’urgence, l’UE cherche désormais à redynamiser son économie et s’est pour cela dotée d’un plan de relance inédit d’un montant de 750 milliards d’euros, en premier lieu destiné aux transitions écologique et numérique. Mais la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen n’entend pas cantonner les fonds de cet instrument à ces seuls aspects.  “Le moment est venu d’intégrer la dimension sociale dans la reprise”, déclarait-elle en février dernier.

La place du social dans la relance européenne

Avec ce plan, baptisé Next Generation EU, la Commission européenne veut actionner plusieurs leviers et donner une réelle dimension sociale au Plan de relance.

A titre d’exemple, 5,6 milliards supplémentaires viendront renforcer le programme InvestEU, l’instrument financier de l’UE, qui prend le relais de l’ancien plan Juncker et dispose d’un volet “Investissements sociaux et compétences”. 47,5 milliards, au titre du mécanisme REACT-EU, iront également alimenter l’enveloppe allouée à la politique régionale, laquelle permet de financer nombre d’initiatives sociales au niveau local.

Mais la majorité des montants viendront alimenter la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), un instrument de financement de réformes et d’investissements dans les États membres et dont la mise en œuvre se fera à l’échelle nationale. Les gouvernements seront en effet amenés à poursuivre l’objectif de “cohésion sociale et territoriale”, un des piliers listés par le règlement mettant en place la FRR.

Les plans nationaux de reprise et de résilience (PNRR), présentés par chaque pays, seront ainsi évalués à la lumière de plusieurs critères. Les États membres devront entre autres démontrer que leurs projets d’investissements et de réformes listés dans leurs documents contribuent aux 20 grands principes du socle européen des droits sociaux, adopté en 2017 et qui a déjà inspiré de nombreuses initiatives dans le domaine. “Le socle a été une avancée importante car nous demandions depuis longtemps à relancer le social en Europe”, explique Mariano Fandos, secrétaire confédéral au service International et Europe de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). “Des choses ont été faites, certaines l’auraient sans doute été sans le socle, mais d’autres ont pu être relancées et sont très positives”, poursuit le représentant syndical.

En mars 2021, la Commission a présenté un nouveau plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, articulé autour de trois objectifs principaux : un emploi pour au moins 78 % des 20-64 ans, une participation à des activités de formation pour au moins 60 % des adultes chaque année et 15 millions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en moins. Parmi les différents éléments proposés pour atteindre ces cibles, l’exécutif européen a notamment mis en avant l’initiative EASE, un ensemble de recommandations pour le soutien à l’emploi, pouvant bénéficier des fonds de la facilité pour la reprise et la résilience.

Autre initiative mise en avant, la Garantie pour la jeunesse, lancée en 2013 et renforcée depuis le mois d’octobre dernier, dont le but est de garantir à tous les jeunes âgés de moins de 30 ans une offre de qualité pour un emploi, une formation, un apprentissage ou un stage. Celle-ci pourra également bénéficier des fonds de Next Generation EU.

Une mise en œuvre par les États membres…

Compte tenu de son rôle de coordinatrice, la Commission européenne s’en remet donc aux États membres s’agissant de la mise en œuvre des politiques sociales. “Les ressources proviendront de l’Europe, mais les idées doivent venir de chaque pays”, rappelait à cet égard Ursula von der Leyen en février dernier.

Ainsi, la facilité pour la reprise et la résilience ne sera pas mise en œuvre de manière unifiée sur l’ensemble du continent, les États membres devant proposer à l’exécutif européen des “plans nationaux pour la reprise et la résilience” (14 pays ont déposé leur plan au 4 mai), en concertation avec les partenaires sociaux notamment.

Mariano Fandos précise ainsi que la CFDT a été consultée, comme les autres partenaires sociaux français, sur le contenu du plan national pour la reprise et la résilience, qui reprend en grande partie les actions menées sur le territoire depuis septembre et l’annonce de “France relance”. Les discussions ont eu lieu dans le cadre du comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales (voir encadré ci-dessous). La rédaction d’une contribution au PNRR s’est avérée très technique tant “la quantité de documents et la précision demandées sont absolument impressionnantes”, indique le représentant syndical, dont la confédération a émis certaines réserves et souligné plusieurs points négatifs dans le texte final (dialogue social, réformes des retraites et de l’assurance chômage).

Le comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales est l’organe de consultation des partenaires sociaux du gouvernement sur les questions européennes, qui se réunit systématiquement à la veille de chaque Conseil des ministres de l’emploi de l’UE. Cet organe a vu ses fonctions renforcées dans le cadre de la coordination des politiques économiques, depuis la crise des subprimes au tournant des années 2010.

… mais coordonnée par l’UE

L’exercice est en effet encadré par des lignes directrices européennes, lesquelles précisent notamment que 37 % des dépenses doivent être alloués aux objectifs environnementaux européens, dont la neutralité carbone à horizon 2050, et que 20 % doivent quant à eux être destinés à la digitalisation de l’économie.

Parmi les éléments évoqués dans ces pages, la référence au socle européen des droits sociaux apparait clairement. “Les États membres sont invités à expliquer en termes généraux comment les plans sont en adéquation avec le socle européen des droits sociaux et contribuent efficacement à sa mise en œuvre”, avec une attention toute particulière pour les dimensions “d’égalité des chances et d’accès au marché du travail, de conditions de travail équitables et de protection et d’inclusion sociales”, précise en effet le cahier des charges européen. Un objectif auquel le plan français répond selon le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. “Notre plan national de relance et de résilience répond également à l’ambition sociale du plan de relance européen en prenant des mesures déterminantes pour le renforcement de la formation professionnelle, pour la modernisation du système de santé ou encore la lutte contre la fracture numérique sur l’ensemble du territoire”, a-t-il déclaré mardi 27 avril à l’occasion de la présentation du PNRR français. Les pays de l’UE sont également invités à démontrer l’impact social de la pandémie, à travers le tableau de bord social, un outil mis en place par la Commission européenne pour examiner la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux.

Le respect des grands principes de ce dernier fait d’ailleurs partie de la grille d’évaluation de la Commission pour noter les propositions des États membres. “Nous regardons dans quelles mesures le plan d’action du socle européen des droits sociaux est pris en compte dans chaque État membre pour répondre à l’impact de la crise et surtout préparer la relance”, précise Carole Labbé, Conseillère économique à la représentation en France de la Commission européenne et membre de la Task force pour la reprise et la résilience (ndrl : au sein de la Commission, la Task force Recover est chargée de piloter la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience et de coordonner le Semestre européen).

Une mention importante même si le représentant de la CFDT regrette “qu’il n’y ait pas d’objectifs quantitatifs fixés”, comme c’est le cas pour les transitions numérique ou écologique. “Nous préférons ne pas empiler les critères” confirme Carole Labbé. “Si un État membre souhaite aller au-delà des 37 % des dépenses consacrées à la transition écologique et qu’il y a trop de critères, cela peut être difficile d’atteindre l’ensemble des objectifs”. Et elle précise d’ailleurs que beaucoup d’investissements “verts” rejoignent des critères sociaux : “De nombreux PNRR ont misé sur la rénovation énergétique des bâtiments, et en priorité des logements sociaux. Ils visent également à développer la formation, à travers le soutien aux nouvelles compétences des métiers verts”. Cette prise en compte des éléments sociaux dans la transition écologique est d’ailleurs impérative selon Mariano Fandos : “On ne peut pas oublier le social dans les objectifs environnementaux”, explique-t-il.

Autre élément inclus dans la grille d’évaluation de l’exécutif européen, l’adéquation avec “la totalité ou une partie importante des recommandations” par pays de la Commission européenne. Dans le cadre du semestre européen, destiné à coordonner les politiques économiques des États membres, celles-ci fournissent des orientations sur les réformes structurelles, les politiques budgétaires et la prévention des déséquilibres macroéconomiques. “Pour beaucoup d’États membres, il y a des recommandations de nature sociale”, précise encore Carole Labbé, citant l’exemple de l’amélioration des systèmes d’accompagnement des chômeurs. Sur ce point, elle rappelle qu’il existe une marge de discrétion, chaque gouvernement national étant invité à mettre en œuvre les réformes les plus pertinentes compte tenu de sa situation économique.

Le plan national pour la reprise et la résilience interroge enfin sur la stratégie post-crise à adopter concernant les aides sociales, qui ont été déployées en masse à travers des mesures d’urgence et qui ont permis de maintenir l’économie à flots. 

Qu’y a-t-il dans le plan national de relance et de résilience français ?

Le 27 avril, Bruno Le Maire a présenté le plan national pour la reprise et la résilience, en compagnie de son homologue allemand Olaf Scholz. Ce dernier poursuit trois priorités clés : l’écologie, la compétitivité ainsi que la cohésion sociale et territoriale.

Le document de 815 pages liste les ambitions précises réparties en neuf composantes. La France devrait recevoir environ 40 milliards d’euros du plan de relance européen.

Pour en savoir plus, consultez la synthèse rédigée par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance.

Des actions pour répondre aux conséquences sociales de la crise 

Depuis le mois de septembre et la présentation du plan de relance, la France avait mis en œuvre des mesures sur ses fonds nationaux, visant notamment à promouvoir l’emploi des jeunes. La promotion de l’emploi des jeunes répond à une nécessité. Ces derniers (de moins de 25 ans) dont le nombre de chômeurs a augmenté de 400 000 entre février et décembre 2020 dans l’UE ont particulièrement souffert des conséquences de la crise sanitaire. “Les jeunes à la recherche d’un premier emploi ont trop souvent été découragés”, reconnaissait la présidente de la Commission Ursula von der Leyen devant les membres des Parlements européen et nationaux le 22 février 2021.

Mais mais ils ne sont pas les seuls : “Les femmes ont plus perdu leur emploi que les hommes”, ajoutait la cheffe de l’exécutif européen. En première ligne durant ces mois, notamment parce qu’elles représentent 76 % des effectifs dans le domaine de la santé en Europe, les femmes ont particulièrement souffert des répercussions liées à la crise. En effet, 31,3 % d’entre elles occupaient un emploi à temps partiel dans l’Union européenne en 2019, contre seulement 8,7 % de leurs homologues masculins, selon une étude du Parlement européen, et étaient donc moins bien armées économiquement pour affronter la crise. Enfin, dans de nombreux États membres, ces dernières occupent une part importante des emplois dans l’économie informelle, confrontés à des statuts sans protection sociale, couverture médicale ou indemnités de chômage.

Le virus n’a d’ailleurs fait qu’exacerber des inégalités déjà présentes sur le Vieux Continent et dans le monde. Si les 1 000 personnes les plus riches de la planète ont d’ores et déjà retrouvé leur niveau de richesse d’avant la crise sanitaire, il faudra sans doute “plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques de la pandémie”, précise un rapport de l’ONG Oxfam sur le sujet.

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