Projet de loi retraite : les avancées sociales que la majorité veut défendre
Alors que le projet de loi retraite arrive en commission à l'Assemblée ce lundi, avec une montagne de 22.000 amendements des oppositions, certains députés de la majorité critiquent la consigne de ne pas trop en déposer et font des propositions pour améliorer le texte.
Par Solveig Godeluck
De la discipline et de la patience. Les députés de la majorité se préparent pour une semaine de débats intenses et surtout très longs au sein de la commission spéciale sur les retraites à l'Assemblée. Il leur a été demandé par Matignon et le groupe En Marche d'amender le texte avec sobriété et retenue.
Alors que le projet de loi ordinaire arrive en première lecture ce lundi à 16 heures, plus de 22.000 amendements avaient déjà été déposés vendredi, dont près de 20.000 par La France insoumise, contre 298 LREM, 50 Modem et 28 UDI-Agir. Il faudra faire le tri, et surtout, intégrer lors des débats les propositions des partenaires sociaux, issues à la fois de la conférence de financement du système de retraite , et des concertations en cours avec le gouvernement sur le minimum de pension, les départs anticipés, les transitions emploi-retraite, etc.
Sécuriser des avancées sociales
Pour autant, les députés de la majorité n'ont pas voulu rester les bras croisés et ont transmis des amendements en commission pour cranter des avancées sociales.
Le groupe LREM a déposé une quinzaine d'amendements visant à instaurer une prévoyance pour les fonctionnaires, à avantager les personnes handicapés, à laisser aux Carsat la personnalité morale, ou à permettre au juge de partager certains droits directs de retraite, en cas de séparation du couple. Sur la pénibilité, il ouvre le débat en demandant aux branches et aux entreprises d'organiser des discussions tous les cinq ans. « Nous allons attendre que les discussions des partenaires sociaux avec le ministère du Travail aboutissent pour aller plus loin. On crante les sujets sans les figer », explique la responsable du texte, la députée LREM Catherine Fabre.
« J'ai déposé 15 amendements, j'ai été un peu prolixe », sourit pour sa part Sacha Houlié, député LREM. Certains sont destinés à « sécuriser les droits », en instaurant des « cliquets » interdisant le retour en arrière, explique-t-il.
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Par exemple, pour obtenir que le gouvernement garantisse les 5 % de bonification de pension par enfant et la réversion à 70 % du revenu du couple - ce qui relève du décret. Sur les bonifications pour enfant, la CFDT et l'Unsa vont plus loin en réclamant que leur montant soit forfaitaire, pour éviter que les points n'aillent systématiquement au plus gros salaire au sein du couple, souvent le père.
Autre engagement à sécuriser : la préservation du niveau des pensions. Le point ne pourra pas baisser. Les députés souhaitent aussi que sa progression annuelle ne puisse être plus lente que l'inflation. La règle d'or de pilotage financier à l'équilibre sur cinq ans est jugée trop procyclique, c'est pourquoi, à la demande de la CFDT et de l'Unsa, il est proposé de l'étaler sur dix ans.
Ballons d'essai
Mais certains amendements de la majorité vont plus loin. Sacha Houlié parle de « ballons d'essai ». Parmi ceux-ci : augmenter le minimum de pension au-delà des 85 % du SMIC ; supprimer les allègements de cotisation sur les salaires élevés ; augmenter le taux de la cotisation déplafonnée. Un amendement de Matthieu Orphelin, qui a quitté le groupe majoritaire, a été signé par plusieurs députés LREM : il prévoit des paliers de hausse de cette cotisation de 2,81 % en fonction du revenu, mesure qui permettrait de rapporter entre 500 millions et 4 milliards d'euros. « Ca marche dans les deux sens, nous pouvons aussi envoyer des signaux aux syndicats », explique Sacha Houlié.
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Jean-François Cesarini conteste ces consignes de réserve. « On ne va pas désarmer au moment où on rentre dans la bataille, et avec l'opposition qui se déchaîne », proteste le député LREM. Il propose que l'âge de départ à la retraite évolue de façon différenciée en fonction de l'espérance de vie en bonne santé de chaque métier ou chaque catégorie socioprofessionnelle. Cela plaira peut-être à la CFDT, qui réclame un âge d'équilibre « individualisé », mais pas au gouvernement, qui craint l'usine à gaz.
Solveig Godeluck