Avec plus de 115 projets de vaccins actuellement en développement dans le monde, “la science va tellement vite et prend tellement de libertés avec les règles de fonctionnement habituelles que même les développeurs de vaccins les plus aguerris ne savent pas à quoi s’attendre”, observe le Washington Post.

Toutes les grandes puissances scientifiques du monde participent à la course, qui reste “dominée par des biotechs. Les grands groupes pharmaceutiques ne sont pas tous au rendez-vous”, remarque Le Soir. Le numéro un mondial des vaccins, GSK, basé en Belgique, ne travaille pas activement sur le Covid-19, à l’instar d’autres géants du médicament, frileux face aux incertitudes liées au virus, “allergiques aux risques et avant tout focalisés sur le retour sur investissement”, note le journal.

Il faut reconnaître que la liste des défis à relever est herculéenne. Les étapes scientifiques du développement d’un vaccin, “qui se déroulent normalement sur plusieurs années – expérimentation animale, études toxicologiques, expériences en laboratoire, essais sur l’homme, organisation de la production – sont aujourd’hui accélérées et réalisées en parallèle”, explique le Washington Post. Une “précipitation” qui n’est pas sans risques.

Les experts en vaccins insistent sur le fait que beaucoup d’effets secondaires rares ne peuvent être repérés que dans des études à très grande échelle, ou par l’observation de la population après le déploiement du vaccin. Ils craignent par-dessus tout que les vaccins ne puissent aggraver la maladie chez certains patients.

Et quand bien même les scientifiques finiraient par découvrir le Graal, les experts soulignent que “le vaccin qui aura le plus de succès ne sera pas le plus efficace, mais celui qui pourra être produit à grande échelle”, souligne El País.

Des milliards de doses requises

Car il faudra plusieurs milliards de doses pour vacciner la planète – plus encore si le vaccin nécessite une double injection – et plusieurs experts mettent en garde, par exemple, contre la pénurie probable de verre pharmaceutique pour produire le nombre de flacons nécessaires à sa distribution.

Plusieurs organisations internationales s’inquiètent aussi de la focalisation exclusive sur le Covid-19, qui a déjà entraîné des retards dans “35 campagnes de vaccination, avec des résultats désastreux”, relève El País. Selon l’Unicef, 37 millions d’enfants pourraient contracter des maladies évitables, comme la rougeole.

Les travaux sur le vaccin souffrent également d’un contexte géopolitique tendu, souligne le New York Times. “À une époque de nationalisme intense, la géopolitique de la course au vaccin s’avère aussi complexe que la médecine”, écrit le quotidien. “Des mois d’insultes mutuelles entre les États-Unis et la Chine sur les origines du virus ont empoisonné la plupart des efforts de coopération entre les deux pays”. Et le gouvernement de Donald Trump “a déjà averti que les découvertes américaines devraient être protégées du vol – principalement de la Chine”.

Coopération internationale

C’est dans ce contexte que l’Union européenne (UE) a annoncé le lancement d’un “programme médical international pour piloter la lutte globale contre le coronavirus, avec l’engagement initial de lever 8 milliards de dollars pour trouver un vaccin et un traitement contre la pandémie”, rapporte The Independent.

Les détails seront communiqués lundi 4 mai, lors d’une conférence virtuelle, à l’initiative de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Norvège, et des institutions européennes. “Si nous pouvons développer un vaccin produit mondialement, pour le monde entier, ce sera un bien commun, unique et global, du XXIe siècle. Ensemble, avec nos partenaires, nous nous engageons à le rendre accessible à tous, à un prix raisonnable”, écrivent les participants dans une lettre au quotidien britannique.

La Fondation de Melinda et Bill Gates est partenaire de l’opération, qu’elle contribuera à financer. Dans une interview à Politico, Mme Gates explique son choix par le fait que “ce sont les leaders européens, honnêtement, qui comprennent que nous avons besoin d’une coopération internationale. Je crois qu’ils font du mieux qu’ils peuvent dans cette situation”.

Malgré tous les obstacles, Le Temps veut croire “qu’il n’est pas irréaliste de viser le mois d’octobre pour avoir un vaccin prêt à être diffusé”.

“L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne l’incroyable réactivité de la communauté scientifique et rappelle que le premier essai de vaccin a démarré soixante jours à peine après que la séquence génétique du virus a été partagée par le Chine”, ajoute le quotidien suisse. “Mais malgré des procédures accélérées, relève l’institution, le développement d’un vaccin contre le Covid-19 prendra du temps”.