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APL en temps réel : la réforme est prête pour le 1er janvier, mais ses effets restent incertains

Emmanuelle Wargon a fait un point ce 20 novembre sur la contemporanéisation des aides personnelles au logement qui entrera en vigueur en janvier prochain. Désormais, les APL seront calculées sur les douze derniers mois connus et leur montant sera ajusté de façon glissante tous les trois mois. Initialement, la réforme devait engendrer une économie pour le budget de l'État. Au final, du fait de la crise, ce sera probablement l'inverse.

Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée en charge du Logement, a présenté ce vendredi 20 novembre lors d'une conférence de presse l'état des lieux des "APL en temps réel", autrement dit la contemporanéisation des aides personnelles au logement. Celle-ci entrera en effet en vigueur au début du mois de janvier 2021. Une réforme annoncée dès 2017, qui a suscité des réactions mitigées et qui a surtout été percutée de plein fouet par la crise sanitaire. Initialement, les APL en temps réel – la prise en compte des ressources des mois précédents et non plus de l'année N-2 – devaient entrer en vigueur à la fin de 2018, puis le 1er avril 2019, puis au 1er janvier 2020 et enfin au 1er avril 2020 (voir nos articles ci-dessous). Le 1er avril dernier, alors que tout était prêt selon le directeur général de la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales) qui participait à la conférence de presse, la crise sanitaire et le confinement sont venus tout stopper.

Simplification et réactivité à l'évolution des revenus

La tenue de cette conférence de presse le 20 novembre ne doit rien au hasard. Cette date coïncide en effet avec l'envoi des premiers courriers d'information aux 6,6 millions de titulaires actuels des APL. Emmanuelle Wargon a d'abord tenu à rassurer : il n'y aura aucun changement dans les conditions d'ouverture des droits aux APL et dans les modalités de leur calcul, à l'exception du cas des étudiants (voir ci-après). Le seul changement concerne la période de référence des revenus pris en compte pour déterminer le droit à la prestation et son montant. Aujourd'hui, les aides versées en 2020 se fondent sur les revenus de 2018. Désormais, les APL seront calculées sur les douze derniers mois connus et leur montant sera ajusté de façon glissante tous les trois mois, "pour que les prestations perçues répondent à la situation de chacun de manière plus réactive". Les APL du premier trimestre 2021 seront donc calculées sur la base des revenus de janvier à novembre 2020.
Cette réforme est rendue possible par la mise en place du prélèvement à la source, qui permet aux administrations et aux organismes de protection sociale – en l'occurrence les CAF et les caisses de MSA qui versent les APL, financées par l'État – de disposer en temps réel des revenus mensuels. Ceci permettra également une simplification pour les allocataires, qui n'auront plus à remplir la déclaration annuelle de ressources pour leur CAF ou leur MSA.

Une économie pour l'État rabotée de moitié et qui reste "très hypothétique"

Outre cette simplification, le principal argument avancé par Emmanuelle Wargon, et avant elle par Julien Denormandie, afin de justifier la mise en place des APL en temps réel est que "l'évolution de la base ressources des aides au logement est une mesure d'équité. Le calcul en temps réel des aides au logement permettra d'ajuster le montant de l'aide en fonction de l'évolution des revenus des allocataires". Un argument qui porte tout particulièrement avec la crise sanitaire et la crise économique qui l'accompagne. Certains ménages devraient en effet voir leur revenus baisser du fait du chômage partiel, des pertes d'emploi ou des pertes d'activité pour les indépendants. A ce titre, Emmanuelle Wargon a qualifié la réforme de "contra-cyclique". 
Il reste néanmoins, comme l'a confirmé la ministre, que la réforme, tout en étant justifiée sur le plan des principes, devait engendrer une économie pour le budget de l'État. En période normale, les revenus progressent en effet régulièrement et les revenus d'un ménage de l'année N+2 sont donc le plus souvent supérieurs à ceux de l'année N, diminuant ainsi – à conditions inchangées – le montant de l'APL et le nombre de bénéficiaires potentiels. L'économie attendue était alors estimée à 1,2 milliard d'euros. Mais, là aussi, le Covid-19 et la crise économique sont venus tout changer et, de l'aveu même de la ministre, la situation apparaît assez floue. En effet, il est "difficile de dire ce que sera l'effet de la réforme ou celui de l'évolution des revenus". Seule certitude : le budget consacré aux APL dans le projet de loi de finances pour 2021 progresse de 400 millions d'euros. Il est également prévu par ailleurs une économie de 500 à 700 millions d'euros avec l'application de la réforme, mais "cela est très hypothétique". De la même façon, et pour les mêmes raisons, il est impossible de dire aujourd'hui quelle sera la proportion respective des gagnants et des perdants de cette réforme.

Pas de simulateur avant le 4 janvier et un coup de pouce pour les étudiants

Sur le plan pratique, les directeurs de la Cnaf et de la MSA ont confirmé que leurs caisses respectives étaient prêtes pour la mise en œuvre de la réforme. Ils ont également indiqué que leurs accueils téléphoniques seront renforcés, qu'un numéro vert dédié sera mis en place et qu'un rendez-vous sera proposé aux primo-demandeurs. Ils ont également insisté sur le fait que la très grande majorité des allocataires n'auront aucune démarche à effectuer en janvier. Les ménages sont toutefois invités à indiquer, le cas échéant, d'autres sources de revenus : pensions alimentaires versées et reçues, frais exposés dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une tutelle, revenus de sources étrangères, ainsi que le chiffre d'affaires pour les allocataires ayant récemment débuté une activité de travailleur indépendant. Le premier versement des aides au logement calculé sur les douze derniers mois interviendra le 25 janvier pour les locataires du parc HLM et le 5 février pour ceux du parc locatif privé.
Interrogé sur l'absence de simulateur en ligne permettant à chacun d'avoir une idée de ses APL nouvelle formule – comme il en existe un pour la prime d'activité par exemple –, le directeur général de la Cnaf a indiqué que celui-ci serait disponible le 4 janvier. Deux raisons à cette mise en ligne tardive : d'une part, l'ensemble des CAF bascule sur un nouveau système informatique le 3 janvier et le simulateur des APL en fait partie ; d'autre part, pour que le simulateur soit efficient, il faut disposer des revenus du mois de novembre 2020, qui ne seront compilés et centralisés que le 20 décembre. 
Enfin, la seule modification aux règles de la prestation concerne les étudiants, qui comptent environ 850.000 titulaires des APL. Afin de ne pas les pénaliser dans le contexte actuel, le plancher de revenus va devenir un forfait, afin que la prise en compte de leurs revenus récents (les petits jobs étudiants) ne conduisent pas à réduire ou à supprimer leurs APL. Ainsi, les étudiants "ne verront pas leur niveau d'APL diminuer. Soit il n'évoluera pas, soit il augmentera pour les étudiants qui reçoivent un revenu salarié supérieur au forfait".

 

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