Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Marché du travail : « La catégorie des seniors “ni en retraite ni en emploi” va augmenter »

La sociologue Anne-Marie Guillemard alerte sur la formation d’une nouvelle poche de pauvreté générée par la logique de mise en préretraite.

Propos recueillis par 

Publié le 21 mars 2021 à 17h30

Temps de Lecture 2 min.

Article réservé aux abonnés

Entretien. Sociologue, professeure émérite à l’université de Paris Descartes-Sorbonne, Anne-Marie Guillemard est notamment l’auteure d’Allongement de la vie. Quels défis ? Quelles politiques ? (La Découverte, 2017).

Que pensez-vous de la tendance des entreprises à favoriser la sortie de l’entreprise des seniors dans les plans de départs ?

Dans un contexte de longévité, les préretraites sont une absurdité. C’est une catastrophe par rapport à l’équité entre les générations. Il y a maintenant trois générations en emploi et on en a besoin. La durée moyenne de la retraite atteint aujourd’hui vingt-huit ans. La coopération intergénérationnelle est un élément important pour la compétitivité et l’innovation qui vient du croisement de l’expérience et du travail nouveau. Le jeune ouvrier sait lire le plan, son binôme senior anticipe toutes les pannes qu’il connaît.

Mais les entreprises sont confrontées à un problème de réduction de la masse salariale à moindre coût social…

En France, nous sommes restés dans la culture de la sortie précoce. Dès qu’il y a un problème, on reprend la vieille recette, alors qu’il faut sortir de la segmentation par l’âge pour résoudre le problème de l’emploi. La demande de travail des seniors est restée une boîte noire. Ce n’est pas à 50 ans qu’on se préoccupe de la deuxième partie de sa carrière. L’entretien du capital humain se fait sur tout le parcours.

Aujourd’hui, c’est indispensable car l’allongement de la vie augmente la population active. Il y a certes une remontée du taux d’emploi des seniors avant 60 ans. Mais la France est, derrière le Luxembourg, le pays de l’OCDE où on quitte le marché du travail le plus tôt, à 60,8 ans en moyenne, alors même que l’âge légal de départ à la retraite a été repoussé. Les ruptures conventionnelles représentent 25 % des fins de CDI des seniors contre 16 % pour les jeunes.

La priorité donnée aux seniors dans les plans de départs va augmenter la population des « ni-ni seniors » − « ni en retraite ni en emploi » −, une catégorie mise « en attente » de pouvoir liquider sa retraite.

A-t-on une idée du nombre de « ni-ni seniors » aujourd’hui ?

A 60 ans, dans la période 2015-2017, 29 % des personnes n’étaient ni en emploi ni en retraite : 7 % au chômage, 12 % inactives depuis l’âge de 50 ans et 10 % inactives dès avant 50 ans. Dans toutes ces catégories, on trouve de nombreux bénéficiaires des minimums sociaux. On est en train de créer une nouvelle poche de pauvreté : 42 % de ceux qui liquident leur retraite sont déjà sortis du marché du travail, une partie sont auto-entrepreneurs. Soit ils coûtent aux pouvoirs publics, soit ils dépendent de la solidarité familiale. Dans les deux cas, ce n’est pas satisfaisant, car ils pourraient être au travail. Pour en sortir, des politiques publiques peuvent jouer leur rôle, avec une politique active pour construire les parcours professionnels et rendre le travail soutenable plus longtemps. Aujourd’hui, la fin de carrière n’est plus du tout attractive. Les seniors ont l’impression d’être sur un siège éjectable, et les entreprises veulent se délester d’effectifs. Il y a une convergence d’intérêt.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.