Le jour d'après : l'urgence d'une loi pour le grand âge

Contribution au monde d’après : accélérer sur le projet de loi dépendance. ©AFP - Patricia Huchot-Boissier / Hans Lucas / Hans Lucas
Contribution au monde d’après : accélérer sur le projet de loi dépendance. ©AFP - Patricia Huchot-Boissier / Hans Lucas / Hans Lucas
Contribution au monde d’après : accélérer sur le projet de loi dépendance. ©AFP - Patricia Huchot-Boissier / Hans Lucas / Hans Lucas
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Dans les Ehpad, on appelle cela le "syndrome de glissement". Quand une personne fragile, trop longtemps privée de contact, se laisse doucement dépérir. Le Covid tue, le confinement aussi. Et cette crise vient brutalement redéfinir les priorités du politique, ce rapport que nous entretenons avec nos séniors...

Emmanuel Macron a esquissé le sujet lundi soir, avec la promesse d’un "plan massif pour nos aînés".

Un plan maintes fois annoncé, maintes fois repoussé, depuis la remise de deux rapports pourtant complets sur le sujet : il y a un an maintenant, celui de Dominique Libault, directeur de l’école nationale supérieure de la sécu, et six mois plus tard, celui de l’ancienne ministre Myriam El Khomri sur les métiers du grand âge… 

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Tout est déjà dedans. Le scandale de ces auxiliaires de vie payé(e)s 800 euros par mois en moyenne. Un(e) sur 6 en situation de précarité. On les a vus en "gilets jaunes" sur les ronds-points à l’automne 2018. Aujourd’hui, les gestes barrières s’imposent, mais leur cœur de métier, c’est l’inverse, les gestes passerelles pour aider nos parents ou grands-parents.  

Dans 30 ans, le nombre des plus de 85 ans aura triplé en France. Un Parisien sur 5 aura dépassé les 65 ans. Il y a 18 millions de "vulnérables" face à l’épidémie, dit le conseil scientifique. Combien demain ? 

Tout était donc sur la table, mais l’exécutif a arbitré pour une autre bataille, celle des retraites. Jusqu’au confinement, on parlait 49.3 et âge pivot, les retraites, rien que les retraites. Hors sujet ou presque aujourd'hui. Rétrospectivement, n’a-t-on pas perdu six mois ? Il est toujours facile de refaire le monde après coup, mais les signaux d’alerte étaient là, bien avant l'hécatombe et la surmortalité dans les Ehpad. 

Pourquoi les métiers utiles socialement sont-ils restés à ce point sous-valorisés ? Aux fonctionnaires et aux soignants, la France reconnaissante. L’Etat soutient l’effort à coups de primes rapidement décaissées. Car Emmanuel Macron est ébranlé, il l’a dit. La pandémie mondiale remet certaines pendules à l’heure.  

Et certaines priorités budgétaires aussi ? 

C’est ce que nous verrons, une fois passée la gestion de crise. Dans le rapport Libault, les besoins supplémentaires pour faire face au vieillissement sont évalués à un peu plus de 9 milliards d’euros d’ici à 2030. C’est beaucoup et peu à la fois, quand on voit comment l’Etat s’endette en urgence pour amortir le choc. Si, comme on le dit à Bercy, le Covid est un "game changer" de la mondialisation, il l’est aussi pour la santé et la protection sociale.

Avec cette crainte, toujours latente, dans les Ehpad, demain, d’être laissés pour compte au profit de l’hôpital… L’héroïsme d’un côté, où l’on sauve des vies, le mouroir de l’autre. Vision faussée. De la réa aux Ehpad, c’est la même chaîne humaine. Eux aussi ont droit aux applaudissements à 20h ! 

Car "nous ne savons pas qui nous sommes si nous ignorons qui nous serons (…)". Car "nous n’accepterons plus avec indifférence le malheur du dernier âge", je finis sur ces mots de Simone de Beauvoir dans son essai sur "La Vieillesse". 

Ultime suggestion avant éventuel remaniement : un ministre à plein temps du grand âge, ça ne serait ni du luxe ni du temps perdu. 

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