Tribune. Le gouvernement a présenté lundi 25 mai aux caisses d’assurances sociales un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire visant à constituer les dépenses exceptionnelles de la Sécurité sociale en « dette sociale », via un transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). De même, les dépenses exceptionnelles de l’assurance-chômage seraient conservées au passif de l’Unédic. Une telle décision hypothéquerait l’avenir de nos assurances sociales en leur faisant supporter inutilement la « dette Covid », dont elles ne sont pourtant pas responsables, et alors que cette dette pourrait être plus habilement gérée par l’Etat.
Dès le début du mois de mars, le gouvernement a largement mis à contribution les assurances sociales. Côté dépenses d’abord : la Sécurité sociale a supporté les congés maladie pour les personnes fragiles et les congés de garde d’enfant, en plus des dépenses de soins et des congés maladie pour les personnes directement affectées par l’épidémie ; l’assurance- chômage a pris en charge le maintien des chômeurs en fin de droit, l’afflux de nouveaux chômeurs, mais surtout un tiers des dépenses de l’activité partielle. Côté recettes, ensuite, les assurances sociales ont dû supporter non seulement la baisse de leurs recettes du fait de la récession, mais aussi le report – qui pourrait vite devenir un abandon, au moins partiel – des cotisations sociales des entreprises, afin de soulager leur trésorerie.
Injustifiée et inquiétante
L’annonce que cette « dette Covid » serait transformée en dette sociale, et que ces dépenses ne seront donc pas compensées par l’Etat, est inquiétante pour l’avenir de la protection sociale, et au fond injustifiée.
Inquiétante, car, comme le souligne la dernière note du Haut Conseil au financement de la protection sociale, la dette de l’Etat et la dette sociale ne sont pas du tout gérées de la même manière. En effet, la dette sociale a vocation à être remboursées « intérêt et principal ». C’est d’ailleurs dans cette logique qu’a été mise en place, en 1996, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), afin d’« amortir » (c’est-à-dire d’éteindre) la dette stockée par la Cades. La dette de l’Etat, elle, est gérée à très long terme : l’Etat n’en supporte que les intérêts, et réemprunte indéfiniment le principal (dont le poids relatif diminue dès lors que la croissance est supérieure au taux d’emprunt), c’est ce qu’on appelle « faire rouler la dette ». Les emprunts d’Etat peuvent, de plus avoir, une maturité bien plus longue que la dette sociale, ce qui permet de sécuriser pour longtemps des taux d’intérêt très bas.
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