Ce sont quelques mots glissés dans l’allocution présidentielle qui revêtent une symbolique forte. Lundi 16 mars, Emmanuel Macron a annoncé qu’il mettait entre parenthèses l’un des plus importants chantiers du quinquennat – l’un des plus controversés aussi – celui de la transformation de nos régimes de pension. « J’ai décidé que toutes les réformes en cours seraient suspendues, à commencer par la réforme des retraites », a-t-il dit, en ne mentionnant que ce dossier, comme pour rappeler son caractère essentiel. « Nous sommes en guerre », a-t-il justifié, en soulignant que « toute l’action (…) doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie ».
Cette décision n’est pas vraiment une surprise. Plusieurs voix s’étaient récemment élevées pour demander que le Parlement cesse momentanément l’examen des deux projets de loi – organique et ordinaire – instaurant un système universel de pensions, après leur adoption, les 3 et 5 mars, en première lecture à l’Assemblée nationale. Alors que les deux textes devaient être discutés en avril au Sénat, des présidents de groupe au Palais du Luxembourg ainsi que des leaders syndicaux et patronaux avaient plaidé en faveur d’une pause.
« L’urgence, c’est la crise »
L’intervention du chef de l’Etat leur donne satisfaction. « Il a eu raison de reporter sine die cette réforme, déclare le patron du groupe Les Républicains (LR) au Sénat, Bruno Retailleau. Elle était anxiogène et elle divisait les Français. On ne peut ajouter l’angoisse à l’angoisse ou la division à la division. Il faut nous rassembler pour faire face à l’épreuve. » « Il est bienvenu que le gouvernement ait décidé de différer la poursuite de l’examen du texte, renchérit le député socialiste Boris Vallaud, l’un des élus d’opposition les plus actifs lors des débats au Palais-Bourbon. L’urgence, c’est la crise, rien que la crise, pas la réforme des retraites. Nous le disons depuis des mois. »
L’arbitrage de M. Macron a été dévoilé quelques heures après l’annonce du report, au 1er septembre, de l’entrée en vigueur de certaines dispositions relatives à une autre réforme emblématique, celle de l’assurance-chômage. Aucune indication officielle n’a été apportée au sujet de la conférence de financement, à laquelle participent, depuis fin janvier, les partenaires sociaux afin de trouver des solutions pour équilibrer financièrement le système de retraites d’ici à 2027. Mais, selon nos informations, cette instance, qui devait se réunir à nouveau le 24 mars, va, elle aussi, arrêter provisoirement de fonctionner.
L’une des questions qui se pose désormais est de savoir à quel moment la procédure législative va être remise en mouvement pour les deux textes. « Tout dépend de quand reprendront les travaux au Parlement », répond, évasivement, une source au sein de l’exécutif. « Nous sommes tributaires de la durée de période de confinement », complète Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la réforme à l’Assemblée nationale.
Calendrier « déjà intenable »
Jusqu’à maintenant, l’exécutif avait martelé sa volonté de voir le projet voté d’ici la fin juin, notamment en raison de travaux dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale qui vont entraîner sa fermeture de juillet à octobre. Mais, aujourd’hui, « il paraît difficile d’envisager l’adoption de ces textes avant l’été », confie un poids lourd de la majorité. « Je ne sais pas encore ce qui sera décidé mais la fenêtre parlementaire serait plutôt septembre, avant les textes budgétaires », affirme un député allié avec les macronistes.
« La situation est assez peu prévisible mais ce coup d’arrêt est peut-être rédhibitoire », veut croire Pierre Dharréville, député PCF des Bouches-du-Rhône
Problème : les élus du Palais du Luxembourg ne siégeront pas en septembre en raison du scrutin sénatorial, programmé ce mois-là, si tout se déroule comme prévu. Ensuite, et jusqu’à la fin décembre, se succéderont les examens de deux gros « morceaux » qui vont accaparer les parlementaires : le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale s’annoncent, en effet, comme des textes majeurs, étant donné l’ampleur de la crise économique à venir.
L’équation pourrait tourner au casse-tête si la réforme était amenée à glisser sur début 2021 – à un an de l’élection présidentielle. Un scénario auquel rêvent des élus de l’opposition, y voyant la possibilité d’un enterrement de première classe. « La situation est assez peu prévisible mais ce coup d’arrêt est peut-être rédhibitoire », veut croire Pierre Dharréville, député PCF des Bouches-du-Rhône, en évoquant un « calendrier déjà intenable », « une procédure chaotique » et « une volonté gouvernementale insensée ». « Je ne sais pas du tout dans quoi on rentre mais je sais que nous passerons notre projet », objecte M. Gouffier-Cha.
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