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En France, les pauvres sont ceux qui subissent le plus la crise du Covid

Dans son portrait social 2020, l'Insee dresse le bilan de la crise sanitaire et économique dont les conséquences en matière de santé ou d'emploi sont bien plus lourdes pour les Français les plus modestes.
par Amandine Cailhol
publié le 3 décembre 2020 à 18h00

Les plus modestes ont un risque plus élevé de développer une forme grave du Covid-19. Les pertes d'emplois ont d'abord touché les plus précaires. Ces derniers sont aussi plus nombreux à craindre une dégradation de leurs situations financières. Dans son portrait social 2020, publié ce jeudi, l'Insee s'est penché sur «la situation sociale de la France» pendant le confinement de mars. De quoi rendre, plus palpables, en les quantifiant, des inégalités de long terme, particulièrement exacerbées en temps de crise.

Les plus modestes, plus à risque face à la maladie

S'il n'est pour l'heure pas possible de «distinguer les décès survenus au cours de la période selon la profession ou le niveau de vie», prévient l'Insee, on sait déjà que certains ont été plus exposés. C'est le cas des ouvriers et employés qui ont continué à travailler qur leur lieu de travail. Ou encore des habitants des communes les plus pauvres et les plus denses. Mais aussi des personnes nées à l'étranger : en mars avril, les décès ont augmenté de 54% pour celles nées au Maghreb, de 114% pour les autres pays d'Afrique, et de 91% pour l'Asie, contre 22% pour celles nées en France. Département «le plus touché par la pauvreté», la Seine‑Saint‑Denis avec son lot de logements sur occupés (21% contre 5% en France, hors Mayotte), sa densité de population élevée et une forte proportion d'ouvriers, enregistre le plus haut excédent de mortalité. Soit plus 123%. Alors que le chiffre grimpe à 368% pour les habitants nés en Afrique, hors Maghreb.

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Une baisse d’activité plus forte pour les précaires

Au premier semestre 2020, 715 000 emplois ont été détruits. Une hécatombe qui a d’abord touché les intérimaires, mais aussi les jeunes : 9% des 15‑24 ans en emploi avant le confinement l’ont perdu, contre moins de 2% des 40‑65 ans. D’autres ont enregistré une baisse d’activité, notamment liée au chômage partiel, en particulier les ouvriers (54%) et les employés (36%), là où les cadres ont été plus épargnés (26%), grâce au télétravail. Ces derniers ont par ailleurs réduit leur volume d’activité hebdomadaire de manière beaucoup moins importante (-17%) que les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (-48%), les ouvriers (-48%) et les employés (-41%).

Une perte de revenu, surtout pour les plus pauvres

C’est la plus forte baisse depuis 1949 : au deuxième trimestre 2020, les ménages enregistrent une perte de revenu de 2,7%. Un quart des ménages (23%) estime que sa situation financière s’est dégradée avec le confinement. Cette dégradation est d’autant plus forte que les revenus des ménages étaient initialement faibles. Parmi les 10% de ménages les plus pauvres, 35% perçoivent une dégradation de leur situation financière. C’est deux fois plus que pour les 10% de ménages les plus aisés. Les retraités apparaissent plutôt bien protégés, 89% d’entre eux estimant que leur situation est restée stable. Là où 37% des ouvriers déclarent qu’elle s’est détériorée

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Les femmes, grandes perdantes du confinement

«Au sein des couples, quelle que soit leur situation d'emploi, les femmes ont assuré une plus grande part de tâches domestiques que leur conjoint», note l'Insee. Ainsi, une femme sur cinq, contre un homme sur dix (de 20 à 60 ans) a déclaré avoir consacré au moins quatre heures par jour en moyenne aux tâches domestiques courantes. Même répartition inégalitaire quant au soin apporté aux enfants : parmi les femmes ayant poursuivi leur activité, 45% ont assuré une «double journée», en cumulant quotidiennement plus de quatre heures de travail et plus de quatre heures auprès des enfants. Là où seuls 29% des hommes ont eu ce courage.

Des inégalités scolaires renforcées

Alors que les établissements scolaires étaient fermés, six parents sur dix déclarent que leurs enfants ont rencontré souvent ou très souvent au moins une difficulté liée au travail scolaire. Avec des disparités importantes : 14% des élèves issus de milieu défavorisé ont manqué de matériels pour travailler et 5% de place au domicile, contre 5% et 2% des élèves issus de milieu très favorisé. 17% des élèves de milieu défavorisé ont aussi rencontré des difficultés de compréhension des cours. Soit deux fois plus que les élèves de milieu très favorisé.

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