L’ambiance est à la fois joyeuse et studieuse dans le bureau de Marisol Touraine, à l’Assemblée nationale. En ce début du mois de mai 2012, la députée socialiste d’Indre-et-Loire est en pôle position pour récupérer le portefeuille de la santé dans le futur gouvernement. Autour d’elle, ses conseillers, dont Benjamin Griveaux et Gabriel Attal, les macronistes de demain. On refait le monde, on savoure à l’avance le triomphe annoncé de François Hollande… On compose, surtout, le prochain cabinet de Marisol Touraine.
Gabriel Attal, désormais secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale, qui nous reçoit le 20 avril, dans son bureau, en uniforme « nouveau monde » – jean et baskets –, décrit la scène : « Je m’en souviens très bien, c’est Griveaux qui parlait : “Il y a un sujet sur lequel il faut être capable de réagir, c’est une possible crise”. Il faisait notamment référence à la canicule de 2003. »
La décision est alors prise de nommer un préfet comme directeur de cabinet, une fonction qui nécessite une forte capacité d’organisation. A en croire Attal, dès le départ, « le sujet crise sanitaire a été déterminant dans ce choix-là ». Notons qu’il s’agissait déjà, selon les termes prêtés à Griveaux (qui n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde), de « réagir »… et pas d’agir. A vrai dire, le risque d’une éventuelle pandémie n’est pas le souci principal du nouveau pouvoir de gauche. Il y a tant à faire par ailleurs…
Une fois intronisée au ministère, le 16 mai 2012, Marisol Touraine se dote d’un « conseiller spécial », et pas n’importe lequel, dans l’étage en forme de « L » qu’elle occupe dans le bâtiment de l’avenue de Ségur. Il s’agit du professeur Jérôme Salomon, le même qui intervient aujourd’hui chaque soir, comme directeur général de la santé (DGS), pour informer le pays sur l’épidémie. Un homme « investi et décalé », résume Attal, qui fait alors quotidiennement le trajet en métro avec lui, depuis Vanves (Hauts-de-Seine), où ils résident tous les deux.
« Nous allons tous mourir »
A l’époque, Salomon n’égrène pas les chiffres ; son travail, c’est la sécurité sanitaire, et l’anticipation des crises. L’hypothèse d’une pandémie l’obsède tant qu’il en devient parfois pesant, selon les anciens du cabinet, qui se souviennent de l’affiche ornant son bureau : « We are all gonna die » (« Nous allons tous mourir »). Un truisme prophétique…
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