Comment allons-nous détecter le variant anglais ? Les détails de la stratégie

Aude Lecrubier

11 janvier 2021

France — Alors que quelques clusters du nouveau variant anglais ont été identifiés sur le territoire, la stratégie globale de détection du variant anglais du virus SARS-CoV-2 a été précisée par Santé Publique France juste avant le week-end [1]. Elle s’appuie sur un repérage des cas possibles par le test RT-PCR Thermo Fisher suivi d’un séquençage du génome de l’échantillon suspect par les deux CNR (Centres Nationaux de Référence des Coronavirus de Lyon et de l’Institut Pasteur de Paris) (Lire Le variant anglais repérable grâce à un simple test RT-PCR).

Comment un test RT-PCR peut-il détecter le variant anglais ?

Grâce à la délétion 69-70 au niveau du génome du variant anglais. Celle-ci entraine une négativation de la détection du gène S du test diagnostique RT-PCR Thermo Fisher, tandis que la détection des autres gènes du virus inclus dans les mêmes tests moléculaires n’est pas affectée. Les résultats des tests obtenus avec le variant VOC 202012/01 UK diffèrent donc de ceux obtenus avec les clones de virus déjà présents sur notre territoire (où le gène S est visible). Un séquençage du génome de l’échantillon suspect est ensuite nécessaire pour confirmer qu’il s’agit bien du clone VUI-UK.

Pour rappel, le variant VOC 202012/01 UK potentiellement plus contagieux circule activement en Angleterre où il a été repéré pour la première fois fin septembre.

Quelle situation en France ?

En France, « quelques clusters ont été identifiés », a annoncé le ministre de la santé, Olivier Véran, dimanche 10 janvier lors du Grand rendez-vous Europe 1/Cnews/Les Échos.

De ce que l’on sait à ce stade, 8 cas ont été confirmés à Marseille, deux à Lille et deux à Bagneux.

A l'origine du cluster marseillais, selon l'Agence régionale de santé Paca, une famille de cinq Français expatriés en Grande-Bretagne, venus à Marseille pour les fêtes de fin d'année. Le cas initial avait un test RT-PCR négatif à son arrivée du Royaume-Uni. Les investigations pour rechercher des cas contacts continuent.

Aussi, plus tôt dans la semaine, il a été annoncé que deux personnes à Bagneux (Hauts-de-Seine)dont une personne travaillant comme animateur d’école maternelle ont contracté le variant anglais, sans que l’on puisse établir de lien avec un voyage outre-Manche. Un dépistage au sein de deux écoles et un collège est organisé jusqu’à mardi pour tenter de comprendre d’où vient ce premier cas « autochtone ». Et, les RT-PCR des laboratoires de la commune sont à nouveau testées à la recherche du variant.

A Lille, les deux cas datent de la fin du mois de décembre et se situent «dans le milieu professionnel médical". 

Mais ces 12 cas sont très probablement en deçà de la réalité, selon plusieurs épidémiologistes.

D’ailleurs, dans un communiqué [2], les laboratoires privés Biogroup ont indiqué que le 22 décembre, ils avaient repéré deux cas possibles en région parisienne grâce au test RT-PCR Thermo Fisher et que ces cas avaient été confirmés positifs au variant anglais par le CNR (ceux de Bagneux). « Ces personnes travaillent en collectivité et la très grande majorité de leurs cas contacts ont également été testés positifs, ce qui confirme sans doute la très grande contagiosité de ce mutant et sa circulation déjà active dans le pays », précise le laboratoire.

A l’heure actuelle, plusieurs autres prélèvements sont en cours d’exploration par les CNR (séquençage des souches virales détectées), indique Biogroup.

La stratégie mise en place

Santé Publique France indique qu’une enquête rapide a été mise en place par le CNR (Laboratoire des Hospices Civils de Lyon) en association avec Santé publique France et l’ANRS Maladies Infectieuses Emergentes, afin d’estimer le niveau de circulation du variant britannique sur le territoire français.

Elle consiste en un screening par RT-PCR ThermoFisher® puis séquençage des virus isolés des prélèvements traités pendant 2 jours par les laboratoires d’un réseau de virologues hospitaliers coordonné par l’ANRS et plusieurs laboratoires privés. Cette enquête est actuellement en cours.

Biogroup, qui fait partie des laboratoires partenaires, précise qu’en fin de semaine dernière, il s’est organisé « pour que les prélèvements des individus testés positifs au COVID de leurs laboratoires d’Île-de-France soient re-testés avec le réactif permettant de cibler les cas suspectés d’être issus de ce variant ». Les tests de confirmation sont ensuite réalisés par les CNR afin de confirmer qu’il s’agit bien de la souche mutante anglaise.

SPF souligne que « d’autres projets sont à l’étude, incluant l’envoi régulier aux laboratoires du CNR d’un échantillon de prélèvements positifs traités dans certains laboratoires de biologie médicale, issus de l’investigation de certains clusters en milieu scolaire ou encore de certaines campagnes massives de dépistage ».

Aussi, « toute augmentation inexpliquée de l’incidence dans une zone géographique délimitée ou la survenue plus fréquente de clusters, peuvent constituer le signal d’un éventuel variant émergent, qui pourra être investiguée en lien avec le CNR ».

Les limites du dispositif

Selon Santé Publique France, une des limites du dispositif est que « seul le système de RT-PCR ThermoFisher® permet à ce jour de détecter ce variant, et ce dispositif représente moins de 10% des tests actuellement réalisés en France ».

Aussi,« il n’est pas possible d’exclure que le variant VOC 202012/01 UK circule déjà en France, compte tenu des échanges importants entre la France et le Royaume Uni. D’autres pays ont mis en évidence une circulation déjà ancienne (en novembre) sur leur territoire (Allemagne), ou la survenue de clusters (Pays-Bas) ».

Le système de surveillance mis en place ne permet pas d’identifier les cas d’infection par le variant VOC 202012/01 UK anciennement contacts de personnes infectées par ce variant, ni ceux diagnostiqués par test antigénique. « Ainsi, ce système de surveillance ne peut prétendre à l’exhaustivité », conclut Santé Publique France.

Même s’il n’est pas exhaustif, un bilan des variants détectés sur le territoire sera intégré chaque semaine dans le point épidémiologique hebdomadaire relatif à la Covid-19 publié le jeudi soir sur le site internet de Santé publique France.

 

 

 

 

 

 

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