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Coronavirus, écoles fermées et gardes d'enfants : comment va se déployer l'enseignement à distance

Après l'annonce de la fermeture de tous les établissements scolaires, s'ouvre une période qui pourrait durer jusqu'à début avril où élèves, parents et enseignants vont être confrontés à l'enseignement à distance. La pratique présente des opportunités, selon Jean-Michel Blanquer, qui veut qu'« aucun élève ne reste au bord du chemin ». D'autres s'en inquiètent.

Pour « les 5 % d'élèves sans équipement informatique », le ministre de l'Education nationale promet de leur trouver une solution « avec les collectivités locales ».
Pour « les 5 % d'élèves sans équipement informatique », le ministre de l'Education nationale promet de leur trouver une solution « avec les collectivités locales ». (Bertrand Guay/AFP)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 13 mars 2020 à 06:32Mis à jour le 13 mars 2020 à 10:41

Les établissements scolaires seront fermés à partir de lundi , mais les élèves ne sont pas pour autant en vacances. C'est le sens des propos du ministre de l'Education nationale. « Ce n'est pas une période où les enfants ne doivent pas travailler », a indiqué Jean-Michel Blanquer, jeudi soir, après l'allocution d'Emmanuel Macron . Il y aura « des nouvelles modalités de travail » qui peuvent apporter « une valeur ajoutée » grâce à « une personnalisation » de l'enseignement, a-t-il souligné.

« La France a des atouts en matière d'enseignement à distance, insiste le ministre. Nous nous y sommes préparés. Nous avons mis en place un mécanisme de continuité administrative et pédagogique pour qu'aucun élève ne reste au bord du chemin. » Pour « les 5 % d'élèves sans équipement informatique », le ministre promet aussi de leur trouver une solution « avec les collectivités locales ».

1. L'offre du CNED : de quoi s'agit-il ?

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Le Centre national d'enseignement à distance (CNED) propose un dispositif qui s'appelle « Ma Classe à la maison » et qui comprend deux volets. Le premier, d'une durée de quatre semaines, oriente les élèves vers un site Internet qui leur propose des chapitres de cours. Avant de commencer, l'élève répond à un quiz et, selon son niveau de réponses, le site lui suggère d'emprunter le parcours vert, bleu ou rouge pour découvrir le cours à son rythme. S'il choisit le parcours rouge, il aura accès à des « compléments approfondis ».

Chaque séquence de travail dure une heure. Par exemple, un élève de cinquième pourra travailler sur Tintin et la BD, aura des extraits à lire puis devra répondre à des questions. Et ceux qui veulent aller plus loin (parcours rouge) peuvent avoir accès à un focus sur Hergé. Quand l'élève se connecte au site du CNED, il a trois à quatre cours par jour, qui vont l'occuper pendant environ trois heures par jour, le tout étant conçu pour durer quatre semaines.

L'autre dispositif n'a pas de limite de durée : c'est la « classe virtuelle ». Elle est déclenchée à la demande de l'enseignant et requiert un ordinateur. Dans cette configuration, les élèves d'une même classe et leur enseignant se connectent à une même plateforme. Le professeur vérifie s'ils sont bien en ligne et peut les interroger à distance, sans toutefois les tracer - impossible de savoir ce qu'ils font pendant ce cours virtuel, le système fonctionne sans webcam. Cette classe virtuelle suppose que les chefs d'établissement mettent en place des emplois du temps virtuels pour éviter que les élèves aient un cours de français et de mathématiques à la même heure.

A la différence du dispositif qui dure quatre semaines et offre les mêmes modules à ceux qui s'y connectent, la « classe virtuelle » permet de reproduire la salle de classe à distance, chaque enseignant reprenant son propre cours, et non les modules tout faits du CNED.

Le système est prévu pour soutenir 7 millions de connexions simultanées. Ce qui pourrait donc être insuffisant pour les 12 millions d'élèves.

2. Contourner le CNED ?

Des enseignants dont les écoles sont déjà fermées ont choisi de faire autrement, sans recourir aux solutions du CNED. « La classe virtuelle du CNED nous a été proposée, confie une enseignante d'un lycée de l'Oise. Mais je ne l'ai pas mise en place, car je ne connais pas ce système et qu'organiser activités et cours en ligne est très chronophage. Or, il faut qu'on avance nos cours, qu'on complète les bulletins, qu'on contacte les élèves pour Parcoursup et qu'on organise les bacs blancs ». Et c'est « compliqué » de basculer vers l'offre du CNED « quand on s'est arrêté en milieu de chapitre », ajoute-t-elle.

Cette enseignante a donc opté pour les plateformes de contacts qu'elle connaissait déjà - Pronote et l'espace numérique de travail qui permet aux enseignants d'y déposer des documents. La difficulté, selon cette professeure, c'est qu'« on passe beaucoup de temps à répondre à des élèves qui n'arrivent pas à ouvrir tel dossier, à envoyer tel document, ou qui n'ont pas d'ordinateur et envoient des photos de leurs devoirs prises avec leur smartphone ». « Avec la grande majorité des élèves, cela fonctionne, mais on est vite submergés, poursuit-elle. Avec cinq classes de 35 élèves, vous recevez des tonnes de mails et de documents ! »

Une autre enseignante de maternelle explique, de son côté, avoir transformé le blog consacré à la vie de l'école en un espace qui propose désormais des activités, des lectures de contes et des jeux en ligne aux parents qui s'y connectent. « Le dispositif proposé par le CNED ne concernait que les élèves de grande section, et non les deux autres années de maternelle, justifie cette enseignante. Or, nous voulions aussi une offre pour les petite et moyenne sections. »

3. « Les parents ne sont pas des enseignants »

La principale fédération de parents d'élèves, la FCPE, s'inquiète des « problèmes techniques » et de « l'accompagnement » des élèves : « Ce n'est pas parce que l'élève est devant un ordinateur qu'il va mieux travailler », affirmait jeudi soir l'administratrice nationale de la FCPE, Nagaete Belahcen, sur BFM. Son coprésident, Rodrigo Arenas, considère que « la France n'est pas prête, techniquement » et que « ce n'est pas aux parents de faire la classe, ce ne sont pas des enseignants ».

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4. Qui va garder les enfants ?

« Nous allons organiser un service minimum, par exemple pour les enfants des personnels soignants, de façon à ce qu'ils puissent aller quand même sur leur lieu de travail, notamment pour soigner, affirme Jean-Michel Blanquer. Depuis le début, ce qui nous guide, c'est la continuité du fonctionnement du pays : les hôpitaux et certains lieux vitaux aussi doivent continuer à fonctionner. » C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'exécutif s'était jusqu'ici refusé à fermer les écoles.

Pour ce service minimum, « les recteurs sont préparés », a assuré Jean-Michel Blanquer, tout en concédant que, « parfois ça va prendre un petit peu de temps, mais nous avons évidemment envisagé cette éventualité ».

Pour les autres parents d'élèves, le ministre en a appelé au « civisme », estimant, au vu de ce qui se pratique dans les territoires déjà concernés par la fermeture des écoles, que les « formules » où des parents gardent plusieurs enfants à la fois allaient « se développer au cours des temps qui viennent », au nom de « la bienveillance de tous envers tous ».

5. Enseignants et télétravail : « Un effet d'aubaine inacceptable »

Du côté des syndicats enseignants, la mesure de fermeture est appréciée très différemment. Au SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, la cosecrétaire générale, Francette Popineau, jugeait jeudi soir sur France Info que la mesure allait « dans le bon sens » : « même si elle est contraignante, elle est indispensable », a-t-elle indiqué, « une activité scolaire doit être maintenue, et on y contribuera ».

SUD Education « encourage » en revanche ceux qui le souhaitent à « ne pas accepter des consignes » de télétravail car « il n'est aucunement obligatoire sur le plan réglementaire ». « Il est inacceptable que le virus soit un effet d'aubaine pour le ministre qui entend, dans son projet d'école, oeuvrer toujours plus à la dématérialisation des enseignements et à l'opportunité que cela représenterait en termes de suppressions de postes. »

Marie-Christine Corbier

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