CORONAVIRUSLa France tente de changer de stratégie face au dépistage du coronavirus

Coronavirus : « Nous sommes capables de faire plus de tests » Comment la France tente de changer de stratégie face au dépistage

CORONAVIRUSDe nombreuses voix se font entendre pour généraliser les tests de dépistage du coronavirus, pendant que la France tente de s’organiser en vue de la fin du confinement
Un laborantin en train de réaliser des analyses sur des tests de dépistage du Coronavirus.
Un laborantin en train de réaliser des analyses sur des tests de dépistage du Coronavirus.  - Adrien Max / 20 Minutes / 20 Minutes
Adrien Max

Adrien Max

L'essentiel

  • Depuis la semaine dernière, de nombreuses voix s’élèvent pour demander davantage de tests de dépistage du Covid-19 en France.
  • Le ministre de la Santé Olivier Veran a annoncé ce samedi soir un changement de stratégie, vers une multiplication des tests à la sortie du confinement.
  • Depuis le début de l’épidémie, le professeur Didier Raoult prône une généralisation des tests de dépistage dans la lutte contre le Covid-19.
  • Pour Bruno Lina, membre du comité scientifique en charge de conseiller le gouvernement, la généralisation des tests demande une organisation complexe.

De longues files de trois à quatre heures d’attente. Ce sont des scènes quotidiennes que l’on peut observer devant l’IHU Méditerranée Infection de Marseille. Ces dizaines de personnes patientent pour subir un test de dépistage du Covid-19 au sein de l’institut dirigé par le professeur Didier Raoult, connu pour son travail sur la chloroquine contre le coronavirus.

« Conformément au serment d’Hippocrate que nous avons prêté, nous obéissons à notre devoir de médecin. Nous faisons bénéficier à nos patients de la meilleure prise en charge pour le diagnostic et le traitement d’une maladie. Nous respectons les règles de l’art et les données les plus récemment acquises de la science médicale. Nous avons décidé, pour tous les malades fébriles qui viennent nous consulter, de pratiquer les tests pour le diagnostic d’infection à Covid 19 », explique ce dimanche l’IHU par communiqué.



« Testez ! Testez ! Testez ! »

Si autant de personnes font la queue, c’est parce que l’IHU fait office d’exception en France, où les tests de dépistage sont réservés aux « professionnels de santé symptomatiques, aux personnes âgées symptomatiques, aux personnes présentant des difficultés respiratoires sévères ou des comorbidités, aux personnes hospitalisées, et aux nouveaux foyers et nouveaux territoires », détaille le ministère de la Santé. Selon leur décompte 60.000 tests ont été réalisés en France, quand le seul IHU de Marseille avance à 20 Minutes le chiffre de « 20.000 à 25.000 tests réalisés » par ses services.

« Testez ! Testez ! Testez ! », voici pourtant la recommandation martelée depuis plusieurs jours par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) aux pays européens. C’est aussi l’avis que partage François Bricaire, infectiologue et ancien chef du service Maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière. « Incontestablement oui il est nécessaire de généraliser les tests afin d’avoir une meilleure image de l’importance des sujets concernés, une meilleure vision du nombre de porteurs du virus. Ce sera d’autant plus essentiel au moment de l’arrêt du confinement, afin de repérer les gens qui sont infectés », avance-t-il à 20 Minutes.

« Une stratégie qui n’est pas celle du monde technologique »

Pour le professeur Didier Raoult, les tests de dépistages sont essentiels à la lutte contre cette pandémie. Il milite pour leur multiplication depuis le début de l’apparition du virus en France, en même avant lorsqu’il a testé tous les rapatriés français de Wuhan.

« Comment a été maîtrisé le sida ? Ce n’est ni par les vaccins, ni par les modèles mathématiques. C’est la charge virale et le traitement. On regarde avec le traitement que la charge virale diminue et, quand elle est en dessous d’un certain seuil, les gens ne sont plus contagieux, et ne sont plus malades. C’est ce modèle qu’on essaye de mettre en place. Mais dans cette stratégie, on teste, on détecte, on traite, le monde n’est pas égal. Ceux qui courent le plus vite, ceux qui ont fait le plus, ce sont les Chinois et la Corée du Sud. Pour une population inférieure à la nôtre, regardez le nombre de tests qu’ils ont faits. On a pris une stratégie qui n’est pas la même que celle du monde technologique, c’est de très peu tester », expliquait-il dans une vidéo postée sur YouTube par l’IHU.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Pourtant, selon lui, la France a les compétences pour mener à bien ces tests. « C’est de la PCR [réaction en chaîne par polymérase] banale que tout le monde peut faire, la question c’est l’organisation, pas la technique, ce n’est pas la capacité de diagnostic, nous l’avons. C’est un choix stratégique qui n’est pas celui de la plupart des pays technologiques, en particulier les Coréens qui font partie, avec les Chinois, de ceux qui ont maîtrisé l’épidémie en faisant dépistage et traitement. On est capables dans ce pays comme n’importe où de faire des milliers de tests et de tester tout le monde », plaide-t-il.

« Réfléchir à l’approvisionnement et aux équipements »

Pour Bruno Lina, chercheur de l’université Claude Bernard Lyon 1 au Centre international de recherche en infectiologie, et membre du comité scientifique en charge de conseiller le gouvernement, plusieurs facteurs compliquent la généralisation des tests.

« C’est vrai que nous sommes capables de faire plus de tests, mais nous manquons d’outils comme les réactifs. Il y a une demande mondiale très forte et les fournisseurs de ces réactifs doivent monter en puissance. Il y a également un risque de pénurie d’écouvillons pour les tests. Nous avons déjà une capacité de tests assez importante, pour l’augmenter nous devons réfléchir à l’approvisionnement et aux équipements. Nous sommes en mesure de faire des tests généralisés sur trois jours, mais pour six semaines cela demande un système beaucoup plus complexe. Et nous devons garantir ces dépistages jusqu’aux villages reculés d’Ariège ou des Hautes-Alpes. Cela peut sembler simple de l’extérieur, mais ça demande en pratique une sacrée organisation », avance-t-il à 20 Minutes.

Lors d’un point presse ce samedi, le ministre de la Santé, Olivier Veran, a admis « faire évoluer la doctrine ». « L’enjeu, c’est d’être en mesure de multiplier les capacités de tests au moment où nous lèverons le confinement. Nous devrons vérifier, pour les personnes pour lesquelles il y avait un doute, si elles présentaient ou non la maladie. »

Plusieurs pistes sont étudiées, comme la mise sur le marché de tests de dépistage plus rapides. Mais rapidité peut parfois être synonyme de baisse de la performance. « L’apparition de nouveaux tests et la montée en puissance progressive de fournisseurs historiques devraient faciliter progressivement nos performances en matière de dépistage », veut rassurer Bruno Lina. Le gouvernement espère être prêt d’ici quatre semaines environ, quand le professeur Raoult appelle à une généralisation des tests depuis un mois.

Sujets liés