Quatrième plan cancer : un budget plus important et de nouveaux objectifs

Valérie Devillaine

8 février 2021

Paris, France — Après trois plans quinquennaux contre le cancer, le président de la République a annoncé pour le première fois une stratégie décennale (2021-2030) de lutte contre la maladie, mais en commençant par une première feuille de route pour les cinq années à venir. Son ambition : « réduire le poids des cancers sur notre pays ».

Focus sur la prévention

Un premier axe est d’améliorer la prévention. Selon Emmanuel Macron, « c’est une des faiblesses, il faut bien le dire, du modèle français ». 382 000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chaque année en France. 40 % d’entre eux, soit 153 000 cas, seraient évitables grâce à des modes de vie plus sains. Le gouvernement se fixe l’objectif d’en éviter 60 000 chaque année, à horizon 2040.

Ennemi numéro 1 : le tabac. Il est responsable de 45 000 décès par cancer chaque année, 75 000 décès toutes pathologies confondues. Le chef de l’État souhaite une première « génération sans tabac » pour les jeunes qui auront 20 ans en 2030.

L’alcool apparaît comme le second facteur de risque évitable, lié à 16 000 décès annuels par cancer. Lors de la présentation de ce plan, Emmanuel Macron comme le Pr Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer, ont néanmoins marqué leur attachement à la place de l’alcool et de sa production dans la culture française. Ils ont précisé vouloir s’attaquer aux consommations excessives, puisque 50 % de l’alcool consommé en France l’est par seulement 10 % de la population. À cette fin, des repères seront donnés aux consommateurs sur les produits, à l’image des indications nutritionnelles sur les aliments.

Dans ce domaine de la prévention, Isabelle Salvet, patiente et présidente du comité de démocratie sanitaire de l’Institut national du cancer, s’est inquiétée de « campagnes de communication joliment designées, mais dont la population ne se saisit pas ». Elle a réclamé des actions moins « descendantes ». Pour répondre à cette problématique, « la recherche en sciences humaines et sociales et la recherche interventionnelle représentent des leviers majeurs. La France, particulièrement avec l’Institut national du cancer, a été pionnière en Europe dans les années 2000 sur l’implantation de cette recherche, mais ce champ est encore émergent », explique le gouvernement dans sa feuille de route.

Le Pr André Baruchel, chef du service d’onco-hématologie pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré, à Paris (AP-HP) a aussi appelé à des actions dans les écoles et à renforcer la vaccination contre les HPV ,la lutte contre le tabac et les problèmes de nutrition.

La promotion des facteurs protecteurs, nutrition et activité physique, sera renforcée. La maitrise des facteurs environnementaux tels que la pollution et les pesticides… sera également à l’ordre du jour, avec une recherche plus structurée pour mieux appréhender les expositions, leurs effets, et notamment les effets « cocktail ». Un plan « zéro exposition » à l’école sera engagé.

Le Pr Ifrah a de son côté déploré la sous-déclaration des cancers professionnels, « parce que les patients n’en parlent pas ou que leurs allusions ne sont pas assez fortes pour que les médecins fassent les démarches ».

Les programmes de dépistage des cancers devraient par ailleurs être améliorés sur les plans organisationnels et technologiques. Si le dépistage organisé du cancer du sein a permis des avancées importantes, le bât blesse en ce qui concerne celui du cancer colorectal. Seules 30 % des personnes concernées y participent. Objectif chiffré là encore : + 1 million de dépistages par an, alors qu’aujourd’hui 9 millions de personne se font dépistées chaque année.

Réduire les séquelles pendant et après cancer

La réduction des séquelles pendant et après le cancer est le second axe de ce plan. Deux tiers des patients souffrent de séquelles, physiques, mais aussi psychologiques ou sociales, cinq ans après le diagnostic. L’objectif est de ramener ce chiffre à un tiers. Pour cela, ce critère des séquelles sera mieux pris en compte dans les dispositifs d’évaluation des médicaments, « au même rang que l’efficacité thérapeutique ».

Des évolutions sont par ailleurs envisagées pour les dispositifs de droit du travail et de la sécurité sociale, notamment le mi-temps thérapeutique, afin d’améliorer le retour à l’emploi.

La question de l’accès à des soins de qualité sur tout le territoire a été soulevée par Pascale Astier, représentante des patients au comité de démocratie sanitaire de l’Institut national du cancer. « Ces inégalités sont à amoindrir ». On a accès à moins de soins de support dans certaines région. «Une partie de la population n’a même pas d’information sur les moyens de réduire les séquelles des traitements », a-t-elle mentionné. 

Lutter contre les cancers de « mauvais pronostic »

Le troisième et dernier axe de ce plan est la lutte contre les cancers dits de « mauvais pronostic ». Un parcours de diagnostic et d’orientation rapide sera développé et la recherche, tant fondamentale que translationnelle et clinique, sera renforcée. Un accent sera mis sur les cancers de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte.

Un budget augmenté de 20 % par rapport au dernier plan cancer

En termes de financement, les crédits alloués au plan cancer 2014-2019 seront reconduits, soit un montant de 1,45 milliard d’euros sur la période 2021-2025. Des mesures nouvelles s’y ajouteront pour près de 284 millions d’euros, soit une augmentation de 20 % par rapport au dernier plan cancer.

Ils seront alloués à de nouveaux programmes de recherche, de nouveaux essais cliniques pour plus de patients et de nouveaux dispositifs de parcours de soins et de « parcours de vie ».

Concernant la recherche, Norbert Ifrah a détaillé les points saillants du dispositif : développer « les SIRIC (sites de recherche intégrée sur le cancer,) centres d’excellence sur tel ou tel sujet, développer les cancéropôles par région et les centres d’investigation clinique précoce, notamment pour les cancers pédiatriques ».

« Nous nous fixons des défis, mais nous savons pouvoir faire confiance à la communauté des chercheurs, des médecins, des associations de malades, des représentants de malades à titre individuel et de tous les autres savoirs, sciences humaines et sociales. C’est la conjonction de ces connaissances, de ces réflexions qui fait qu’on va avancer », a conclu le spécialiste, tout en confessant « un risque de ne pas y arriver »…

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....