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Décryptage

Les inégalités raciales aux Etats-Unis, un problème persistant et un défi pour la classe politique

En quelques semaines, plusieurs faits divers sont venus rappeler le racisme rampant qui persiste aux Etats-Unis. Les Noirs ont en outre payé un lourd tribut à l'épidémie de coronavirus et sont parmi les premières victimes de la crise économique. Si les démocrates ont toujours les faveurs des Afro-Américains, il n'est pas certain que Joe Biden avait jusqu'ici pris la mesure des réformes à engager.

Les émeutes qui se multiplient aux Etats-Unis ont cristallisé ces derniers jours le sentiment de racisme rampant qui persiste aux Etats-Unis.
Les émeutes qui se multiplient aux Etats-Unis ont cristallisé ces derniers jours le sentiment de racisme rampant qui persiste aux Etats-Unis. (REUTERS/Patrick T. Fallon)

Par Véronique Le Billon

Publié le 1 juin 2020 à 12:51Mis à jour le 1 juin 2020 à 14:43

Une explosion de violence pour un ras-le-bol social. Les émeutes qui se multiplient dans les grandes villes américaines depuis la mort, aux mains de la police, de l'Afro-Américain George Floyd à Minneapolis le 25 mai, ont cristallisé ces derniers jours le sentiment de racisme rampant qui persiste aux Etats-Unis. Le meurtre, en février, d'un joggeur noir en Géorgie par un ancien policier et son fils, puis la mort, sous les tirs de la police, d'une ambulancière noire dans le Kentucky en mars, ont scandalisé. Selon le site Mapping police violence , 1.098 personnes ont été tuées par la police l'an dernier, dont 259 Noirs (406 Blancs et 212 de race inconnue). Même à New York, ces derniers jours, le faux témoignage d'une femme blanche appelant la police à Central Park en se disant « menacée par un Afro-Américain », qui observait en réalité les oiseaux, a enflammé les réseaux sociaux.

Espérance de vie inférieure

A ces épisodes récurrents s'ajoute un contexte doublement inflammable. Les Noirs ont, d'abord, payé un lourd tribut à l'épidémie de coronavirus, qui a déjà fait plus de 100.000 morts aux Etats-Unis. Alors que les Afro-américains représentent 13,4 % de la population (pour 60 % de Blancs et 18 % d'Hispaniques), ils constituent plus d'un quart (26,1 %) des cas de Covid-19 recensés, sur un large échantillon analysé par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Parmi les malades hospitalisés, les Noirs sont aussi 4,5 fois plus représentés que les Blancs non hispaniques - et les Hispaniques 3,5 fois plus.

« Nous savons, depuis toujours, que des maladies comme le diabète, l'hypertension, l'obésité et l'asthme touchent de manière disproportionnée les minorités, en particulier les Afro-Américains », expliquait dès début avril Anthony Fauci , directeur du CDC, l'Institut national des allergies et maladies infectieuses. Ces dernières années, les Noirs avaient une espérance de vie à la naissance de trois ans et demi inférieure à celle des Blancs.

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Aux avant-postes de la crise

Les conséquences sociales de la pandémie ont, ensuite, plus largement touché les minorités, surreprésentées dans les métiers faiblement qualifiés et aux avant-postes de la crise. Ainsi, 39 % des personnes travaillant en février et vivant dans un foyer touchant moins de 40.000 dollars de revenus par an avaient déjà perdu un emploi en mars, selon une étude de la Réserve fédérale publiée mi-mai.Malgré une décennie de croissance aux Etats-Unis, « les écarts de bien-être économique selon la race et l'ethnicité sont restés au moins aussi importants qu'en 2013, même si l'économie s'est renforcée et que le bien-être général s'est amélioré », constate aussi le rapport de la banque centrale sur les conditions de vie des Américains. Fin 2019, malgré un taux de chômage au plus bas (3,5 % de la population active), un Noir sur quatre (et un Hispanique sur quatre aussi) indiquait encore ne pas travailler à plein temps et cherchait à travailler davantage. Les Noirs sont encore 14 % à ne pas avoir de compte bancaire, quand ils ne sont que 3 % parmi les Blancs.

Les démocrates préférés

Dans ce paysage social, les démocrates ont toujours les faveurs des Afro-Américains. Près de neuf sur dix (88 %) ont voté pour Hillary Clinton en 2016, et, pendant les primaires, le candidat à l'investiture Joe Biden a émergé grâce au vote noir en Caroline du Sud . Mais leur vote n'est pas acquis : s'ils votent davantage que les Hispaniques, leur taux de participation a chuté de sept points (à 59,6 %) lors du dernier duel présidentiel par rapport à l'ère Obama, qui avait fait naître des espoirs - en partie déçus - de réforme.

Si le programme de Joe Biden est déjà plus à gauche que celui du camp démocrate lors de ces derniers scrutins, il n'est pas certain qu'il avait pris la mesure des réformes à engager pour les minorités. « Si vous votez Trump c'est que vous n'êtes pas noir », a-t-il lancé ces derniers jours à un Noir, provoquant de l'agacement.

Certains représentants de la communauté afro-américaine comme Jesse Jackson, qui avait pris position pour Bernie Sanders, ou Stacey Abrams, pressentie parmi d'autres pour le poste de candidate à la vice-présidence, devraient tenter de peser dans les débats qui s'ouvrent. Car à défaut de convaincre dans ce que les démocrates peuvent apporter aux Noirs, c'est la réponse sécuritaire de Donald Trump face aux inquiétudes de la majorité blanche qui pourrait prévaloir dans les urnes.

Véronique Le Billon (Bureau de New York)

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