Gérald Darmanin : "On a préféré l’endettement à la faillite"

Gérald Darmanin ©AFP - THOMAS COEX / POOL / AFP
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Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, est l'invité du grand entretien. Il évoque les conséquences et les réponses économiques à apporter au confinement lié au coronavirus.

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Le ministre évoque d'abord le délai supplémentaire pour la déclaration de revenus, qui vient d'être mis en place : "On aura un mois de plus si on déclare en papier, quinze jours de plus si on déclare en numérique. Hier on a eu trois fois plus de connexions sur le site des impôts, et trois fois plus de gens qui ont déjà rempli leur déclaration (plus de 800.000 contribuables). Une des grandes raisons de l’impôt à la source qu’on avait mis en place, c’était que l’impôt s’adapte à vos revenus, qui baissent pendant cette crise. Il y a plus de 100.000 indépendants qui ont annulé ou reporté leurs acomptes, c’est 70 fois plus que par rapport au même mois l’année dernière."

"Le chômage partiel, une sorte de nationalisation des salaires"

Quelles sont les réponses de l'État pour permettre aux Français de traverser la crise sans trop de casse économique ? "La stratégie du gouvernement c’est de s’adapter aux demandes économiques des Français, c’est pour ça que nous avons mis en place le chômage partiel, qui est une sorte de nationalisation des salaires, puisque c’est l’État qui paye à la place des entreprises. Par ailleurs, nous aidons beaucoup les entrepreneurs. Il y aura peut-être un troisième budget rectificatif, avec des chiffres encore plus impressionnants. Nous sommes dans un montant de déficit et de dette jamais atteint depuis la Seconde Guerre Mondiale. Il n’y a pas de plafond, la France continue à pouvoir emprunter dans des conditions satisfaisantes, avec des taux bas, et arrive à avoir le financement qu’elle propose aux marchés. On a préféré l’endettement à la faillite. Une stratégie qui fonctionne, même si des entrepreneurs sont dans des situations très difficiles."

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Selon Gérald Darmanin, "il y a trois raisons qui font que les marchés prêtent à la France dans des conditions favorables (ce n’est pas le cas de tous les pays européens) : des finances publiques saines, avoir dit la vérité sur la situation, et la stratégie européenne puisque la BCE nous soutient."

"On peut très bien, sans augmenter les impôts, avoir plus de recettes fiscales"

Cette dette, comment la rembourser sans augmenter les impôts, comme le promet le gouvernement ? "Il y a deux stratégies face à la dette : soit vous considérez qu’il faudra augmenter les impôts (et ce n’est pas notre choix car cela démoraliserait les entrepreneurs et les Français), soit compter sur le fait que la reprise économique créera des recettes qui vont permettre de rembourser. On peut très bien, sans augmenter les impôts, avoir plus de recettes fiscales. Il y a une stratégie très claire qui est de n’augmenter ni les impôts des Français, ni ceux des entreprises."

Plus largement, il estime que "tous les pays du monde sont touchés, toutes les grandes économies du monde. Il y a un avantage commun pour tous ces pays à se mettre d’accord à relancer l’économie."

Quid d'en éventuel retour de l'ISF pour faire participer les plus riches à l'effort national ? "Personnellement, je trouve que les retours en arrière ne font pas aller de l’avant. La suppression de l’ISF, remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière, a permis la baisse du chômage que l’on a vécue. On a besoin que les gens qui possèdent de l’argent le mettent dans les entreprises pour relancer l’économie, on ne va pas décourager des gens qui demain auront les moyens de pousser nos PME, nos TPE… Ce ne serait pas envisageable de remettre un ISF que nous avons supprimé il y a deux ans et qui a apporté ses preuves. Aucun pays autour de nous ne l’a, il n’y a aucune raison de le remettre aujourd’hui."

"Les salariés font déjà beaucoup d'efforts"

"Chacun doit faire un effort, notamment les plus aisés d’entre nous", reconnaît toutefois le ministre de l'Action et des Comptes publics. "C’est d’ailleurs pour ça que le gouvernement a exigé qu’il n’y ait pas de versement de dividendes si l’on utilisait des aides de l’État. Chacun doit contribuer : baisser son indemnité, son salaire, ses dividendes, dans la mesure du possible. Sans doute que les plus riches doivent faire plus d’efforts. Dans une crise économique comme celle-ci, c’est évidemment les plus modestes qui sont les plus touchés. Les classes les plus aisées doivent donc faire un peu plus d’efforts."

Quant aux efforts qu'on pourrait demander aux salariés (comme l'envisage le Medef), Gérald Darmanin n'y semble pas favorable : "Aujourd’hui, les salariés font déjà beaucoup d’efforts. On ne va pas demander aux caissières et caissiers de faire encore plus d’efforts alors qu’ils sont déjà en première ligne. Moi je crois aussi au dialogue social : on a évoqué le fait qu’un patron pouvait demander de reporter ou de prendre des congés payés pendant cette crise. Mais c’est en accord avec la branche, avec l’entreprise elle-même, il faut qu’il y ait du dialogue social. Je ne pense pas qu’il faille absolument s’aligner sur les propositions du patronat, et en même temps je pense qu’il faut tenir un discours de vérité aux Français, et les remercier du travail important qu’une grande partie d’entre eux ont mené. Je ne suis pas dans une situation où je fais la leçon aux gens : ils vivent des instants difficiles."

"Quand il y aura déconfinement, il n’y aura pas fin de l’état d’urgence sanitaire", rappelle le ministre. "Il y aura des restrictions, les gestes barrières mais aussi des interdictions. Moi je ne connais pas à l’heure actuelle la stratégie de déconfinement du gouvernement, puisque nous sommes en train de l’élaborer. Et je ne connais pas la date pour retourner au monde d’avant, et ça risque d’être très long. Pour l’instant je travaille sur le plan d’urgence, viendra un temps où l’on préparera le plan de relance."

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