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«Quoi qu’il en coûte»: le déficit budgétaire gonfle à 220 milliards d’euros

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, a annoncé ce samedi matin un trou supplémentaire de 47 milliards liés aux nouvelles mesures de soutien à l’économie. Le gouvernement mise toujours sur un rebond de la croissance à 5%.
par Jean-Christophe Féraud
publié le 29 mai 2021 à 11h58
(mis à jour le 29 mai 2021 à 12h58)

C’est peut-être le début de la fin de la crise sanitaire avec la réouverture des terrasses et le vaccin pour tous, mais c’est aussi le début de l’heure des comptes du «Quoiqu’il en coûte» décrété par Emmanuel Macron pour aider l’économie française à faire face à l’épidémie et ses trois confinements en quatorze mois : ce samedi matin, le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, a ramené la petite musique de la communication gouvernementale à la dure réalité des chiffres en annonçant à l’AFP que le déficit budgétaire de l’Etat s’élèverait à «environ 220 milliards d’euros» en 2021, contre 173,3 milliards prévus en loi de finances initiale (LFI).

Ce trou supplémentaire de 47 milliards d’euros dans les comptes de la nation sont «la conséquence des mesures de soutien que nous continuons à prendre pour accompagner au mieux la reprise», a expliqué le ministre. Le gouvernement doit notamment présenter mercredi un projet de loi de finances rectificative (PLFR) comprenant 15 milliards d’euros de mesures d’urgence supplémentaires, qui serviront notamment à poursuivre le financement de l’activité partielle et les aides ciblées en faveur des entreprises en difficulté des secteurs les plus touchés (restaurants, bars, hôtels, tourisme). Ce chiffre est à relativiser si on le compare aux 100 milliards d’euros mobilisés par le gouvernement en 2020, au plus dur de l’épidémie de Covid-19, pour mettre l’économie française sous perfusion d’aides publiques lorsqu’elle était totalement à l’arrêt.

Endettement public à 118 %

Mais en dévoilant ce matin cette aggravation du déficit budgétaire à 220 milliards d’euros, Olivier Dussopt sonne bien la fin de la récréation des dépenses publiques. Jeudi, dans un entretien aux Echos, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait signifié que le projet de loi de finances rectificative (PLFR) qui sera présenté mercredi amorcerait «la sortie progressive du «quoi qu’il en coûte» : il a protégé l’économie française, il a sauvé les emplois et il nous permet maintenant de rebondir vite et fort. Mais il ne peut pas être la règle dans des circonstances normales», avait prévenu le patron de Bercy.

De fait, c’est moins le déficit budgétaire que l’addition totale du déficit public (avec les déficits de la Sécurité sociale et des collectivités) qui inquiète le gouvernement. Le déficit public prévu jusqu’ici était de 9 %, ce qui devait faire progresser l’endettement public de la France à 118 % de son produit intérieur brut, un niveau inédit ces dernières décennies. Le ministre des comptes publics, Olivier Dussopt, n’a pas encore donné de nouvelle estimation, mais il a indiqué aux Echos que les 15 milliards d’euros de crédits nouveaux du PLFR «vont mécaniquement creuser le déficit public de quelques dixièmes de point». En clair, les 10 % ne sont pas loin. Et les taux d’intérêt de la dette, qui étaient négatifs jusqu’au début de l’année, sont remontés à 0,2 %. L’argent que nous empruntons n’est plus gratuit.

Pour autant, Bruno Le Maire ne dévie pas de sa ligne orthodoxe : il se refuse à «toute augmentation d’impôts» et mise sur une croissance forte, la maîtrise de la dépense publique sur cinq ans et la poursuite des réformes de structure, comme celle de l’assurance-chômage, très contestée pour son impact sur les plus fragiles, mais aussi, toujours, celle des retraites, «le moment venu»

La croissance se fait désirer

La croissance justement sera-t-elle vraiment au rendez-vous ? Les chiffres publiés par l’Insee vendredi pour le premier trimestre ont en partie douché l’optimisme de ceux qui ne croyaient pas à la fatalité d’une crise économique dans le sillage de l’épidémie : le produit intérieur brut (PIB), à savoir la richesse produite par le pays, a reculé de 0,1 % de janvier à mars, alors qu’une première évaluation avait fait état d’une croissance de 0,4 %. Mais ce chiffre révisé «ne change rien à notre ambition […] d’avoir 5 % de croissance en 2021», a réagi vendredi Bruno Le Maire, en marge d’une visite d’entreprise à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine). De quoi combler le recul de l’activité économique provoqué par la crise sanitaire ? Au premier trimestre, le PIB restait encore à 4,7 % sous son niveau de fin 2019, juste avant le début de l’épidémie.

Le ministre de l’Economie a appelé vendredi à «garder son sang-froid» et a assuré que «les indicateurs sont tous bien orientés». La confiance des ménages et des entreprises a effectivement nettement rebondi en mai, selon l’Insee. Et le gouvernement compte toujours sur une très forte reprise cet été, à l’image du rebond spectaculaire de l’économie à l’été 2020 après le premier confinement. L’optimisme retrouvé des vacances et la perspective d’un bout du tunnel sanitaire devraient effectivement booster la consommation. Mais les Français restent pour le moment prudents dans leurs dépenses, au point que le début des soldes a dû être reporté du 23 au 30 juin. C’est surtout la rentrée qui sonnera l’heure de vérité. Avec peut-être le retour du débat sur la nécessité d’un deuxième plan de relance, plus keynésien et axé sur le pouvoir d’achat des ménages que le premier, dont les 100 milliards ont surtout profité aux entreprises.

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