La « prime Macron » pourra finalement atteindre 2 000 euros. Et les entreprises qui verseront cette prime défiscalisée pourront la moduler en fonction des conditions de travail liées à l’épidémie, selon l’ordonnance adoptée, mercredi 1er avril, en conseil des ministres. « Afin de permettre de récompenser plus spécifiquement les salariés ayant travaillé pendant l’épidémie de Covid-19, un nouveau critère de modulation du montant de la prime pourra également être retenu par l’accord collectif ou la décision unilatérale de l’employeur mettant en œuvre cette prime », souligne l’ordonnance.
L’entreprise pourra ainsi légalement distinguer ses salariés devant se rendre sur leur lieu de travail – comme les caissières dans la grande distribution ou les ouvriers sur un chantier – des autres en télétravail, ce qui était demandé par les fédérations patronales. « Il s’agit de récompenser les salariés au front qui tiennent leur poste de travail pendant cette période », a justifié la ministre du travail, Muriel Pénicaud, à l’issue du conseil des ministres.
Le 24 mars, le ministre de l’économie avait décidé de faire sauter le verrou qui bloquait la distribution de la « prime Macron » dans les PME. Largement distribuée par les petites entreprises en 2019, après la crise des « gilets jaunes », la prime du pouvoir d’achat promettait de s’essouffler en 2020. Les conditions imposaient en effet aux entreprises de passer par un accord d’intéressement – peu courant dans les TPE – pour donner une aide aux salariés. Cependant, dans les entreprises où un accord aura été négocié d’ici au 31 août, le niveau de la prime pourra être porté à 2 000 euros.
« Les plus petites entreprises n’y voient que de la provocation »
Dans le contexte actuel, le Syndicat des indépendants (SDI), qui avait réclamé en vain ce changement dès décembre 2019, reste perplexe. « Pour les entreprises d’au moins 20 salariés, cela peut avoir un sens, mais les plus petites n’y voient que de la provocation. Elles ne savent même pas comment elles vont pouvoir payer leurs salariés et leurs charges courantes d’ici lundi 6 avril, alors parler de prime… », s’exclame Marc Sanchez, le secrétaire général du SDI.
Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises, confirme : « La première urgence pour les petites entreprises est d’assurer la trésorerie et le paiement des salaires. Enormément de TPE sont touchées, car la crise descend en cascade. Mais, pour les grands groupes organisés avec des indépendants, c’est tant mieux. Les premiers concernés sont ceux de la distribution. »
Dès la mi-mars, plusieurs grands groupes de ce dernier secteur ont décidé l’attribution de « primes Macron » dans le cadre d’un accord d’intéressement pour reconnaître l’engagement des personnels dans une situation de travail inédite. La Fédération générale des travailleurs de l’agriculture, de l’alimentation, des tabacs et des activités annexes (FGTA), soulignant l’oubli des salariés des franchisés (Casino, Auchan, Carrefour, Leader Price, Franprix, Monop’) et des indépendants (Leclerc, Hyper U, Super U, Intermarché), avait revendiqué pour eux une prime de reconnaissance. « La priorité numéro un, c’est la sécurité, qui évolue dans le bon sens. Notre seconde demande, c’est la prime, car les salaires sont bas. Ces travailleurs sont en première ligne et, sans la pression des groupes, les franchisés ne feront rien », explique Dejan Terglav, secrétaire générale de la FGTA-FO.
« Mépris le plus total pour la vie humaine »
Les distributeurs comme Leclerc, Intermarché ou Système U ont lancé le mot d’ordre, à toutes les entités de leur marque, de distribuer une prime exceptionnelle : « Il a été décidé entre la plupart des distributeurs qu’une prime de 1 000 euros pourrait récompenser les personnels de terrain mobilisés dans cette crise (…). L’enseigne invite l’ensemble des magasins indépendants de son réseau à définir les modalités d’organisation d’une juste gratification », écrivait Michel-Edouard Leclerc, dans un communiqué du 24 mars.
Avant même l’intervention du ministre de l’économie, Intermarché avait appelé les indépendants qui constituent son réseau de points de vente Intermarché et Netto à tout faire pour « mettre en œuvre une rétribution annuelle exceptionnelle à l’ensemble des collaborateurs ». Même engagement chez Système U : « Les patrons de magasins indépendants de notre groupement coopératif sont appelés, en fonction des moyens de leur entreprise, à mettre en œuvre le même principe de prime exceptionnelle pour les salariés, en magasin et dans les drives. »
Il est encore trop tôt pour faire le bilan de ce que les PME feront de cette prime. Mais pour la Fédération du commerce et des services de la CGT, ce n’est qu’un encouragement à travailler dans des conditions dangereuses. Cela relève « du mépris le plus total pour la vie humaine », déplore le syndicat sur son site.
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