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Déconfinement : des «brigades» sanitaires sur le pied de guerre

Annoncé par Edouard Philippe mardi, un dispositif de repérage visant à casser la chaîne de transmission sera déployé à partir du 11 mai. Si les contours en sont encore flous, les médecins généralistes et l’assurance maladie devraient être en première ligne.
par Aude Massiot
publié le 1er mai 2020 à 20h01

Le gouvernement aime filer les métaphores guerrières. Cependant, les «brigades» dont Edouard Philippe a révélé mardi le déploiement à partir du 11 mai n’en sont pas moins un dispositif nébuleux. Depuis, collectivités territoriales et acteurs de la santé attendent de savoir quel rôle leur sera assigné, avec l’échéance du déconfinement qui se rapproche rapidement. Contactées, les préfectures renvoient aux agences régionales de santé (ARS), qui renvoient elles-mêmes aux ministères, qui eux-mêmes ne se disent pas prêts à communiquer sur le sujet. D’après nos informations, une feuille de route est en cours d’élaboration au ministère de l’Intérieur et sera transmise aux préfets en début de semaine prochaine.

L'assurance maladie a, elle, une idée plus précise de l'organisation de ces brigades. «Il sera demandé à chaque médecin généraliste ayant pris en charge un malade du Covid-19 de recenser, avec le patient, l'ensemble des personnes avec qui il a été en contact et d'évaluer avec lui si la nature du contact est telle que l'on peut considérer que la personne contact est susceptible d'avoir contracté le virus, détaille l'organisme à Libération. Dans ce cas, le médecin généraliste saisira, dans un système d'information créé à cette occasion et accessible dans [la plateforme] Amelipro, le nom et les coordonnées - quand il le peut - des personnes concernées.»

«5 000 collaborateurs»

Au tour alors des agents de l'assurance maladie de compléter, si besoin, ce recensement des contacts du patient au-delà de la cellule familiale. Dans les vingt-quatre heures, toutes ces personnes devront être appelées et informées de leur possible exposition au virus. Leur sera alors proposé un confinement de quatorze jours ainsi qu'un test de dépistage «pris en charge à 100 %», qui pourra aussi, si nécessaire, délivrer un arrêt maladie. Un tel dispositif, inédit en France, devra mobiliser «près de 5 000 collaborateurs» de l'assurance maladie, «et davantage, si la situation épidémiologique devait l'exiger».

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«Les médecins généralistes auront les moyens de gérer la grande majorité de ces enquêtes de traçage de contact et de suivi des patients, assure Jean-Louis Bensoussan, médecin et porte-parole du Collège de la médecine générale. Nous sommes 52 000 en France, alors que les modèles épidémiologiques prévoient, à partir du 11 mai, 1 000 à 3 000 nouveaux cas par jour. Cela m'étonnerait qu'on ait besoin de personnel non médical dans ces brigades.»

Le Premier ministre a pourtant évoqué, mardi, la possibilité de mobiliser «des personnels des centres communaux d'action sociale, des mairies, des départements, ou [des personnes] mises à disposition par les grandes associations, par exemple la Croix-Rouge».

A l'ARS d'Ile-de-France, on «travaille jour et nuit» pour établir un plan qui comportera, entre autres, le déploiement d'équipes mobiles volontaires. Santé publique France avec les ARS seront aussi en charge d'analyser toutes les données pour identifier l'émergence de foyers de contamination.

La Croix-Rouge se dit prête «à mettre en place des équipes mobiles qui pourront effectuer des tests virologiques, le suivi sanitaire des personnes malades isolées, ainsi que participer aux enquêtes épidémiologiques, détaille Marc Zyltman, administrateur national de l'organisation. Pour cela, nos équipes sont en train d'être formées auprès de la direction générale de la santé.»

Du côté des collectivités locales, «nous attendons le mode d'emploi, explique le directeur de l'Assemblée des départements, Pierre Monzani. Nous pouvons imaginer que les agents de la route, les sapeurs-pompiers ou encore le personnel d'action sociale puissent contribuer à établir ces chaînes de transmission et prévenir les gens, au cours de leurs déplacements». Une nouvelle réunion est prévue samedi après-midi avec Jean Castex, coordinateur de la stratégie nationale de déconfinement.

Projet de loi

L'idée de mobiliser la «réserve citoyenne» constituée au début du confinement a été écartée, a-t-on appris de source ministérielle : «Les enquêteurs auront accès aux données Ameli des personnes concernées, il fallait une assermentation que nous ne pouvions pas leur donner.» Cette assermentation nécessaire pour la manipulation des données des patients devra-t-elle être généralisée à tout le personnel non médical de ces «brigades» ? «Il conviendra de légiférer», a tranché Edouard Philippe. C'est un des enjeux du projet de loi présenté samedi au Conseil des ministres puis, la semaine prochaine, au Parlement.

«Le fait que ces dispositifs soient prêts doit être une condition au déconfinement, assure Olivier Gossner, chercheur au Centre de recherche en économie et statistique de Polytechnique. Car si on laisse l'épidémie reprendre, ils ne seront plus d'aucune utilité.»

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